Fitch a raison : la France se dégrade

La chronique de Patrick Pilcer

Il y a des signaux qu’on peut encore choisir d’ignorer, en les camouflant sous les artifices d’un discours rassurant. Et puis il y a ceux qui claquent comme un coup de tonnerre dans un ciel déjà assombri. Vendredi, l’agence Fitch a dégradé la note de la dette française. Faut-il s’en offusquer ? Non. Il faut avoir le courage de dire la vérité : Fitch a raison, la France se dégrade.

Le pouvoir d’achat s’érode, la confiance s’effrite, les services publics se dégradent…

Au cœur du malaise français, il y a une évidence que nul ne peut nier : le pouvoir d’achat baisse, les fins de mois sont de plus en plus difficiles à vivre pour de plus en plus de Français. Les salaires stagnent, les impôts et taxes continuent de lourdement peser, surtout en septembre et octobre, l’inflation grignote les fins de mois. Les Français voient leur niveau de vie reculer, et avec lui leur confiance dans les institutions. Comment croire à des lendemains meilleurs quand chaque passage en caisse, chaque facture d’électricité, chaque échéance de crédit devient une épreuve ? Ce sentiment de déclassement, cette épreuve, cette dégradation, chaque Français les ressent à présent.

Les classes moyennes, ces grandes oubliées des politiques publiques, n’en peuvent plus d’être pressées comme des citrons. Trop riches pour les aides, trop pauvres pour les niches, elles portent la République à bout de bras mais voient leur horizon s’assombrir. C’est là que se joue la cohésion nationale : si les classes moyennes s’effondrent, c’est la République qui tombe.

 Des dépenses publiques hors de contrôle

Parallèlement, l’État continue à vivre au-dessus de ses moyens. Les dépenses publiques augmentent, les déficits s’aggravent, la dette explose. Nous sommes à plus de 113 % du PIB de dette, et chaque hausse de taux d’intérêt se traduit par des milliards supplémentaires qu’il faudra prélever demain sur le travail des Français.

Ce n’est pas une fatalité : c’est une démission politique. Car tout le monde sait ce qu’il faudrait faire : réduire le train de vie de l’État, simplifier l’administration, couper dans les doublons, mettre fin à la gabegie des agences et des comités Théodule, cibler les aides sociales sur ceux qui en ont vraiment besoin, lutter sans faiblesse contre les fraudes fiscales et sociales. Il est grand temps également d’analyser avec précision le rapport coût – efficacité de toutes les missions de l’Etat. France Travail, les ARS, le service « public » audiovisuel, etc… tout doit être passé au crible, puis réformé, fermé ou privatisé.

Mais qui, aujourd’hui, a ce courage ? son nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu ? Nous verrons très vite…

 Lecornu au pied du mur, mais bien trop silencieu

Nommé pour donner un énième second souffle à un président démonétisé, détesté, mais qui s’accroche à ce qui lui reste de pouvoir, Sébastien Lecornu a pour l’instant choisi la stratégie du silence. Pas de cap clair. Pas de mesures fortes. Pas d’annonce structurante. Comme si le simple fait de tenir le fauteuil de Matignon suffisait à restaurer la confiance.

On ne peut être qu’inquiet après sa première sortie publique, à Mâcon, sur la Santé. Il souhaite que chaque Français soit à moins de 30 minutes d’un centre de soins. C’est déjà pourtant en très grande partie le cas, mais le problème réel n’est pas là : à quoi bon être à 5 minutes d’un centre de soins quand il faut 6 mois pour avoir un rendez-vous !

Il nous faut plus de médecins. Il nous faut former, en France, plus de médecins, et vite. Arrêtons de faire venir de l’étranger des médecins mal formés et qui parlent à peine le français, quand, en même temps, nous dégoutons nos jeunes d’entreprendre des études de médecine, en France ! Et il faut que nos médecins soient mieux utilisés. Par exemple, à quoi bon avoir des médecins dans les ambulances des pompiers et du Samu, quand des infirmiers et du personnel paramédical, mieux formés, et mieux rémunérés, pourraient être tout aussi efficaces, quand ces médecins pourraient être bien plus utiles dans les services d’urgence ou en médecine de ville ?

Lecornu, dès sa première sortie officielle, répond à côté de la question qu’il souhaitait traiter ! où est la rupture ?

La confiance ne se décrète pas, elle se construit. Elle suppose de prendre les principaux chantiers majeurs à bras-le-corps :

1. Redonner du pouvoir d’achat aux Français en allégeant la fiscalité et les charges sur le travail, en valorisant l’effort et le mérite.

2. Réduire drastiquement les dépenses publiques pour restaurer notre crédibilité et notre souveraineté. Notre avenir ne doit pas dépendre du FMI ou des pétrodollars du Qatar.

3. Soutenir nos entreprises et nos entrepreneurs. La véritable énergie du pays ne vient pas de l’Etat ou des partis politiques mais de la capacité à innover, à créer, à développer, à produire, à vendre de nos entreprises.

4. Restaurer la sécurité

5. Refaire Nation

Croire que la solution repose sur l’impôt de l’Autre, le riche, l’entreprise, est une illusion, un poison à présent mortel.

Inutile ici de dénoncer l’hérésie des taxes Zucman ou du retour de l’ISF. Si vous demandez à un « start-upeur » ou à un actionnaire de payer 2%, ou même 0,5%, de la valeur de son actif en impôt, il va devoir exiger de son entreprise qu’elle lui distribue des dividendes, sur lequel il va payer la « flat tax ». L’entreprise va donc devoir diminuer sa capacité d’investissement, ses programmes d’embauche, sa trésorerie, pour payer ces dividendes, quand souvent elle est à peine en capacité bénéficiaire ! une stupidité comme l’ISF, et l’IFI : une bonne fiscalité ne touche pas au stock mais aux flux ! on ne touche pas au stock, à la valeur d’un actif, une valeur souvent aléatoire, subjective, on ne touche pas au latent, on ponctionne les flux, les dividendes, les intérêts d’emprunts, les ventes, le réalisé. Ce n’est là que du bon sens !

Mais ne rien faire, c’est s’exposer à pire encore : la perte de confiance des marchés, l’asphyxie de nos marges de manœuvre, l’explosion de la colère sociale.

 Une leçon à retenir

La dégradation de la note française n’est pas un accident, c’est le reflet d’une lente dérive. C’est l’addition de nos lâchetés cumulées, de nos promesses non tenues, de nos renoncements répétés.

Il ne sert à rien de constater la décision de Fitch sans réaction de notre part. Il faut s’indigner contre nous-mêmes. Ce que l’agence pointe, ce n’est pas une fatalité économique : c’est une faillite politique. La France a encore tous les atouts pour se redresser. Mais elle doit le vouloir. Elle doit réformer, simplifier, responsabiliser. Elle doit cesser de distribuer ce qu’elle n’a pas, et de taxer ceux qui travaillent ou qui ont travaillé. Elle doit surtout éviter de faire fuir ceux qui entreprennent, ceux qui prennent des risques, ceux qui pourraient développer ailleurs ce qu’ils aimeraient pourtant créer ici. Elle doit s’empêcher de dire qu’il faut que les retraités ou les Français « se serrent la ceinture » quand c’est à l’Etat d’en finir avec la dérive des dépenses publiques.

La France se dégrade parce que ses dirigeants refusent de trancher. À Lecornu de prouver qu’il est autre chose qu’un gestionnaire du statu quo, un équilibriste de compromis inutiles comme de concessions contre-productives. La confiance ne se mendie pas, elle se mérite.

Fitch n’a pas condamné la France, elle a jaugé sa capacité à réagir et elle lui a tendu un miroir. Libre à nous de détourner les yeux, ou d’avoir enfin le courage d’affronter la vérité et d’agir. Enfin…

A nous de décider si nous vivons le crépuscule de notre histoire, ou une nouvelle aurore !

Patrick Pilcer, Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers, auteur de « Ici et maintenant – lecture républicaine de la Torah » (préface du Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, éd. David Reinharc).

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