Avant le redécoupage de la circonscription en 2010, celle-ci englobait l’intégralité du 7ᵉ arrondissement de Paris ainsi que la partie nord du 6ᵉ arrondissement (quartier de la Monnaie, Saint-Germain-des-Prés et une partie de l’Odéon).
La circonscription, sociologiquement homogène, constituait un bastion historique de la droite depuis 1958, les députés y étant régulièrement élus avec des scores dépassant les 70 %.
Depuis les élections législatives de 2012, la délimitation a changé : elle inclut désormais le 5ᵉ arrondissement, une partie du 6ᵉ (comme dans le précédent découpage) et une portion réduite du 7ᵉ arrondissement, notamment les quartiers du Gros-Caillou, des Invalides et Saint-Thomas-d’Aquin.
L’ajout du 5ᵉ arrondissement a profondément modifié l’équilibre électoral. Ce secteur, bien que dirigé longtemps par Jean Tiberi, a évolué vers une sociologie plus marquée à gauche.
Depuis 2012, les résultats sont donc beaucoup plus serrés. Lors de ces élections, l’ancien Premier ministre François Fillon a dû passer par un second tour difficile, n’emportant la victoire qu’avec 56 % des voix.
En 2017, les divisions internes à la droite ont permis à La République en Marche de s’imposer avec l’élection de Gilles Le Gendre, élu avec 54 % au second tour.
Réélu confortablement en 2022 face à une candidate socialiste, Le Gendre a bénéficié de l’élimination de la droite dès le premier tour.
Mais en 2024, à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale, la circonscription est repassée à droite avec la victoire de Jean Laussucq (ex-directeur de cabinet de Rachida Dati), qui a battu la candidate socialiste au second tour avec 56 % des voix.
En analysant les résultats par arrondissement : Laussucq a obtenu 75 % des suffrages dans le 7ᵉ, 60 % dans le 6ᵉ, mais a perdu dans le 5ᵉ avec seulement 43 %, la socialiste y remportant la majorité.
La lecture de cette carte électorale montre que la 2ᵉ circonscription n’est plus un bastion imprenable pour la droite. Le 5ᵉ arrondissement change clairement la donne, sous l’effet d’une poussée significative de la gauche.
La décision, surprenante, du Conseil constitutionnel d’invalider l’élection de Jean Laussucq et de le déclarer inéligible, a précipité l’organisation d’une législative partielle.
Et voici que la « machine à perdre » de la droite se remet en marche. Alors que Rachida Dati, maire du 7ᵉ depuis 2008, apparaissait comme la candidate naturelle, Les Républicains ont décidé d’investir… Michel Barnier, ancien Premier ministre.
En quoi Michel Barnier serait-il plus légitime que Rachida Dati, qui connaît la circonscription comme sa poche ? Forte de sa notoriété, d’un solide ancrage local et d’un réseau politique dense, elle dispose d’un socle électoral fidèle à droite. Le maire LR du 6ᵉ arrondissement, Jean-Pierre Lecoq, lui a d’ailleurs apporté son soutien. Lui aussi avait toute légitimité, étant élu dans cette même circonscription.
Michel Barnier, apparaît moins charismatique et incarne une forme de technocratie politique à laquelle les électeurs semblent de plus en plus réfractaires. L’élection s’annonce difficile. Les divisions internes risquent encore une fois de profiter à la gauche, qui bénéficie d’une dynamique dans le 5ᵉ arrondissement.
De plus, une participation probablement faible pourrait encore renforcer cet avantage.
Comme souvent, la gauche, pourtant minoritaire à l’échelle nationale, remporte des élections grâce à l’éparpillement de la droite et à une certaine droite qui préfère continuer à recevoir des brevets de respectabilité de la part d’une gauche hégémonique.
L’étrange soutien d’Édouard Philippe à Michel Barnier soulève aussi des interrogations : cherche-t-il à affaiblir Rachida Dati en vue des municipales de 2026 pour favoriser son poulain, Pierre-Yves Bournazel, du parti Horizon ?
On se souvient encore de son appel à voter pour les candidats NFP en cas de duel avec le RN…
Une sortie de crise aurait pu consister à envisager un ticket Dati-Barnier, avec Michel Barnier comme suppléant. Ce type d’accord, dit de « rotation » dans certains pays, est souvent utilisé pour la fonction de Premier ministre.
Ainsi, Michel Barnier aurait pu siéger à l’Assemblée nationale lorsque Rachida Dati occuperait des fonctions exécutives (ministre ou, potentiellement, maire de Paris), et inversement.
La décision de la commission d’investiture LR d’investir uniquement Michel Barnier pour la législative, tout en réservant Rachida Dati pour les municipales, peut se comprendre. Toutefois, il aurait été plus stratégique qu’elle conserve aussi la circonscription : son absence du ticket affaiblit clairement Michel Barnier.
Paradoxalement, cette législative partielle suscite bien des convoitises : le RN y présente Thierry Mariani, tandis que le PS a investi Frédérique Bredin, ancienne ministre des Sports sous Mitterrand.
Rachida Dati semble ainsi devenir une cible de choix, notamment à l’approche des municipales de 2026.
Le parti Horizon, le Parti socialiste, et une large part du spectre politique verraient d’un bon œil une défaite de la droite dans le fief de l’actuelle ministre de la Culture et ancienne garde des Sceaux.
À cela s’ajoute un coup de théâtre : Rachida Dati est opportunément renvoyée en procès pour abus de confiance, corruption et trafic d’influence, en pleine campagne électorale.
Le timing interroge : simple coïncidence ou instrumentalisation politique de la justice ? Cette méthode n’est pas sans rappeler certains précédents internationaux où des figures politiques ont été inquiétées judiciairement en plein processus électoral.
L’utilisation de procédures judiciaires à des fins politiques est préoccupante. Mais c’est au suffrage que revient le dernier mot. L’élection de Donald Trump l’a démontré : l’électeur reste souverain.
En étant écartée de cette élection, Rachida Dati perd un atout important. Une victoire dans la 2ᵉ circonscription aurait pu lui ouvrir un boulevard pour les municipales de 2026, dans l’espoir de tourner enfin la page d’Anne Hidalgo et du saccage de Paris.
Mais c’était sans compter sur la décision du Premier ministre Bayrou de provoquer un vote de confiance le 8 septembre, lors d’une séance extraordinaire.
Une manœuvre qui pourrait rendre cette législative partielle éphémère : une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale semble de plus en plus probable à très court terme.
Donald Duck