Un projet pour Strasbourg : redonner vie à la place de Bordeaux 

Il y a dans certaines friches une violence silencieuse. Celle d’un abandon. Celle d’une ville qui renonce, celle des habitants qui s’ankylosent. 

Depuis des années, l’ancien hôtel Mercure trône comme une carcasse grise sur la place de Bordeaux. Un bloc informe, une barre de béton défraîchie, qui n’a plus d’étoiles que le nom. Fermé, muré, livré à la poussière, aux rats et aux marginalités de la rue, ce bâtiment n’est plus un hôtel : c’est une blessure urbaine.

Dans une ville frappée de plein fouet par la crise du logement, Strasbourg ne produit que 2 000 logements par an quand il en faudrait 3 000. De plus, la forte baisse des permis de construire, la tension sur les prix et la demande croissante de logements constituent un diagnostic désormais partagé par l’ensemble des acteurs publics. 

Laisser une telle emprise sombrer dans l’inertie est une faute politique, sociale, environnementale. 

Porté par la Foncière Grand Est, le projet est ambitieux, bien pensé et nécessaire pour la requalification de cet espace au cœur de la ville. Ce n’est pas une simple opération immobilière, c’est un pronunciamiento de ce que peut être la ville contemporaine : mixte, utile, belle, et conviviale. Enfin !

Le projet

Il s’agit de reconfigurer l’ensemble du site, un terrain d’environ 9 000 m², reconstruisant intégralement un nouvel hôtel 4 étoiles de dernière génération, avec rooftop, salle de sport, restauration, salles de réunion, espaces bien-être, peut-être une piscine, et des prestations dignes de son adresse. 

Ce n’est pas un hôtel qu’on colle à la barbe d’une ancienne friche, c’est un bol d’air qui soufflera sur Strasbourg et les quartiers avoisinants.

Le cœur du projet se présente comme un ensemble en forme de « U » inversé, dont les bras s’ouvrent sur l’avenue de la Paix, la Cathédrale, et la place de la République. Le symbole est clair : ce projet s’ouvre sur la ville, il ne se referme pas sur lui-même.

À l’intérieur de cette structure, le poumon vert du projet : Un parc avec 73 arbres plantés, offre une véritable respiration végétale. Il est  connecté à une zone piétonne intelligente avec 4 accès : 

Un accès vers la place de Bordeaux, un autre sur la rue Herrenschmidt, un troisième sur le Palais des congrès, enfin un quatrième accès sur la rue Schutzenberger. 

Côté Schutzenberger, un immeuble offrant des appartements de standing. Côté Tivoli, un bâtiment de terrasses en espalier, pour limiter les vis-à-vis et s’intégrer dans la pente douce du paysage.

À la base du « U » : les logements étudiants, avec la meilleure vue, assumée et revendiquée. Pourquoi les jeunes n’auraient-ils pas droit à la beauté ?  Rappelant les slogans des années 68 : « La beauté est dans la rue. » 

Les logements, dont une part en social, offre des appartements pour 300-400 euros et un confort inédit : une buanderie commune, un bar de détente, une salle de cinéma, un espace billard. Les étudiants paient aujourd’hui des chambres en sharing* atteignant 800 euros par chambre souvent dans des appartements vétustes. 

Dans le parc, sont prévus une rotonde dédiée aux étudiants du Conservatoire de Strasbourg et aux représentations musicales gratuites. et un kiosque-terrasse de restauration annoncée comme La plus belle de Strasbourg. 

Outre les 4 ouvertures piétonnes, la station de tram se situe à quelques pas du projet et une navette électrique gratuite en site propre poursuivra la liaison directe depuis le  site au centre-ville et à la gare, afin de fluidifier la densité de la circulation actuelle. 

À cela s’ajoutent 200 places de parking souterrain, 690 stationnements vélo en surface, et des panneaux solaires.

La sécurité sera renforcée par une grille fermée à 23 h. Chaque résident possèdera une carte électronique pour ouvrir et fermer la grille après 23 h. 

Des commerces de proximité sont prévus pour agrémenter la vie des résidents et des riverains voisins : laboratoire d’analyses, dentiste, boulangerie, pâtisserie, pressing, supérette et restaurant intégré au parc.

Urbanisme 

Les services d’urbanisme, souvent critiqués, ont ici tenu leur rôle avec efficacité et précision. Les délais ont été respectés, les ambitions urbaines assumées, dans le respect du Plan Local d’Urbanisme Intercommunal (PLUI).  Ce projet coche toutes les cases du ZAN (Zéro Artificialisation Nette) : le sol agricole a été augmenté. Ce projet est un modèle  de requalification.

Les papis font de la Résistance, les masques tombent

Les promoteurs ont informé les riverains de tous les quartiers voisins pour présenter ce projet lors d’une réunion publique, détaillant les plans de transformation de l’ancien hôtel Mercure en un ensemble immobilier comprenant environ 400 logements et un nouvel hôtel.

Il a suffi d’évoquer des logements étudiants et sociaux pour que certains riverains, jusque-là silencieux face à la dégradation du site, s’agitent soudain. L’esthétique ? Argument fragile quand on vit face à une barre décrépie. La circulation ? Elle est déjà saturée ; ce projet n’aggrave rien, au contraire, il propose des solutions douces. 

Certains riverains demandent aux promoteurs de renoncer aux logements sociaux. Pourquoi ? Parce qu’ils vivent dans un quartier « riche » selon leurs propres termes. Il ne faut pas qu’on les dérange, qu’on leur trouble la vue. On ne veut pas de « jeunes », pas de « social » … 

Mais une ville qui repousse l’énergie se condamne à l’asphyxie.

À ces craintes, il faut opposer un projet vivant. Ce n’est pas une tour anonyme qu’on construit, c’est un quartier qu’on soigne. Ce projet apporte du logement, des services, du commerce, de la culture, de la sécurité, de la respiration. Il transforme une zone morte en un pôle de vie. 

L’intérêt de la ville doit dépasser les seuls petits intérêts d’une association partisane forte d’une trentaine de personnes….

Enfin Strasbourg ose ! Il était temps !

Chanoine

*Sharing : partage de location

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