Il ne nous reste que nos coups de bec

Le retour des oiseaux migrateurs annonce le printemps. Les hirondelles rustiques et les mouettes rieuses arrivent début avril, tandis qu’il faut attendre le mois de mai pour la tourterelle des bois.

C’est aussi la saison de la « bécasse inspirante », qui réapparaît soit après un séjour sur son yacht privé, soit après sa retraite de Yoga. Ici, elle revient de l’espace. Le voyage a duré moins longtemps qu’une migration de canard sauvage, 5 minutes à l’aller, 5 minutes au retour, mais, avec un coût estimé entre 200 000 et 400 000 dollars, on s’y fait plumer bien plus qu’en survolant la moitié du globe. 

Ainsi, la chanteuse Katy Perry, la réalisatrice Kerianne Flynn, l’ancienne scientifique Aïcha Boe, la militante Amanda Nguyen, la journaliste Gayle King et Lauren Sanchez, l’épouse de Jeff Bezos sont allées « s’empouvoirer » dans l’espace, afin de porter un message « féministe ».

Ça n’a rien de futile. La scientifique en a profité pour « faire de la recherche et contribuer à trouver un endroit pour stocker nos déchets ». Tout ça en 11 minutes, alors qu’en 5 ans, mon voisin de palier n’a toujours pas réussi à localiser la benne à ordure et que mes propres recherches pour résoudre le problème des fuites sur les sacs poubelles s’avèrent infructueuses. Remarquable. 

La femme de Jeff Bezos aussi a fait de la recherche. Elle étudie les effets de l’apesanteur sur les fuites de silicone et de Botox. Un petit pas pour la femme, un grand pas pour l’étanchéité.

Il parait que Katy Perry a émis autant de CO2 en 11 minutes qu’en 8 ans. Mon plus jeune fils a calculé que la chanteuse devrait se retenir de péter pendant 143 ans pour compenser. (Soyez indulgent, son bilan mathématique n’est pas plus brillant que le bilan écologique de la chanteuse).

Ce voyage est censé inspirer plein de petites filles, qui vont comprendre qu’il s’agit de « faire de la place pour les femmes du futur, d’occuper l’espace et d’y appartenir ». Déjà qu’on devait lutter contre les hommes qui prennent toute la place en s’asseyant dans le métro jambes écartées, voilà qu’on va devoir lutter dans l’espace maintenant. Remarquez, le prix du ticket n’est pas le même. 

En revenant sur terre, Katy Perry a dit qu’elle se sentait « super connectée à l’amour ». Alors que, nous, ici-bas, il nous suffit d’emprunter n’importe quelle ligne de transport public aux heures de pointe pour nous sentir « super connectée à la transpiration et aux mains aux fesses ».

Voilà, c’est donc le cycle des saisons et avec lui, l’éternel retour de la « bécasse inspirante », faux féminisme et vrai cynisme en bandoulière. 

Il est à noter que la « bécasse inspirante » est la femelle du « Faucon conquérant », du « coq belligérant » ou du « corbeau pontifiant ». On ne les chasse pas, ce sont des espèces protégées, admirées et nourries par des armées de pigeons coopérants. 

Quant à nous, qui resterons toujours cloués au sol, il ne nous reste que nos coups de bec.

Nathalie Bianco

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