Le Corbeau et le Renard

À la suite de la rencontre tumultueuse dans le bureau ovale entre Trump, Zielinski et Vance, les journalistes ont crié à l’humiliation ! Même ceux qui ne partageaient pas l’avis dominant d’une presse à la botte du pouvoir n’ont pas osé contester la version politiquement bidon, relayée par les médias français. 

Donald Trump n’est ni un diplomate ni un homme politique chevronné forgé par des années de subtilités protocolaires. C’est un homme d’affaires, un pragmatique qui perçoit le monde à travers le prisme du profit, de la négociation et du rapport de force. Chaque décision, chaque parole, chaque geste qu’il pose est calculé comme une transaction.

On le dit rustre, autoritaire, même grossier, et il serait inexact de le comparer à nos standards européens. 

Nos nations se sont construites sur des siècles de monarchies, de cours royales et d’étiquette raffinée, tandis que les États-Unis sont nés dans la poussière des plaines, sous la loi des cow-boys et des pionniers. Cette différence culturelle explique en partie pourquoi Trump peut choquer nos sensibilités, mais elle ne le rend pas moins efficace dans son domaine.

En revanche, l’attitude de Zielinski  a été inattendue. Pourtant ce président plutôt vulgaire, qui se présente en tee shirt, connaît Trump. Vlodomyr Zielinski  dispose d’équipes compétentes, d’analystes et de conseillers qui l’ont informé plus d’une fois sur la personnalité et les méthodes de Trump. Alors pourquoi n’a-t-il pas su se taire et jouer la carte de la stratégie ? 

Face à un businessman aussi rusé et puissant que Trump, on ne fanfaronne pas. On ne cherche pas à briller par des saillies ou des postures bravaches. On analyse, on flatte, on manœuvre pour obtenir le meilleur deal possible. Trump, avec son ego démesuré, est le genre d’homme qu’on peut manipuler, à condition de savoir appuyer sur les bons boutons. Zelensky aurait pu repartir avec des engagements concrets, des aides financières ou militaires significatives pour l’Ukraine et des ressources dont il a cruellement besoin. Il a choisi de parler trop fort, de tenir tête là où il aurait dû ruser. 

Macron a opté pour une approche diamétralement opposée : il s’est aplati, en jouant la carte de la déférence, espérant peut-être amadouer Trump par une diplomatie soumise. Résultat ? Rien. Pas une miette, pas une concession. Macron a confondu humilité avec faiblesse, Trump, qui ne respecte que la force ou la flatterie bien dosée, l’a balayé d’un revers de main. Zielensky a aboyé comme chien de garde, mais sans mordre ni obtenir quoi que ce soit. Deux échecs, deux styles, mais un même constat : aucun des deux n’a su décrypter le Trump’s mode d’emploi.

Zelensky avait tout pour réussir. Avec un mégalomane comme Trump, il suffisait d’accepter qu’il est le maître du jeu, qu’il sort vainqueur, pour en tirer un maximum d’avantages. L’ancien comédien aurait dû exceller dans cet exercice de composition, endosser le rôle du partenaire admiratif, déterminé mais pas menaçant. Au lieu de cela, il a manqué de finesse, il a trébuché sur l’océan de la scène internationale.

Zelensky n’a jamais parlé d’humiliation. C’est la presse, comme un vautour, qui a fait de ce mot un sujet de débat en cherchant à dramatiser la situation. En réalité, Zelensky a tenté de montrer de la fermeté, mais il a fait preuve d’une maladresse qui l’a desservi dans ce jeu délicat. 

Lorsque l’on a le rôle de président d’un pays, on sait que la politique et les affaires sont un théâtre sans pitié, où ce qu’on appelle “humiliation”, n’est qu’une étape et non une fin. Ce mot n’a d’ailleurs aucun sens dans les sphères politiques ou affairistes où il n’y a que des gagnants et des perdants, des deals conclus ou des occasions manquées. Zelensky a raté la sienne, et c’est son peuple qui risque d’en payer le prix malgré les miettes que peut lui apporter une Europe démunie.

Zelensky a menacé Trump de manière étonnante en parlant de “l’océan”, suggérant qu’il pourrait se tourner vers d’autres alliés si Trump ne répondait pas à ses attentes. Cette déclaration n’a fait qu’attiser les tensions, renforçant l’idée qu’il était plus intéressé par une confrontation que par une négociation. Cela a joué en sa défaveur, car Trump, dans ce type de situation, réagit mal aux menaces, surtout venant d’un leader qui ne dispose pas des mêmes leviers de pouvoir que les grandes puissances.

Ce 12 mars, Zelensky appelle à la paix et tend la main à Trump dans un message sur X où il déclare :  « Je voudrais réitérer l’engagement de l’Ukraine en faveur de la paix. Aucun d’entre nous ne souhaite une guerre sans fin. L’Ukraine est prête à s’asseoir à la table des négociations dès que possible pour parvenir à une paix durable. Personne ne souhaite plus la paix que les Ukrainiens. Mon équipe et moi-même sommes prêts à travailler sous la direction ferme du président Trump pour parvenir à une paix durable.

Nous sommes prêts à agir rapidement pour mettre fin à la guerre. Les premières étapes pourraient être la libération des prisonniers et une trêve dans le ciel (interdiction des missiles, des drones à longue portée, des bombes sur l’énergie et d’autres infrastructures civiles) et une trêve maritime immédiate, si la Russie fait de même. Ensuite, nous voulons avancer très rapidement dans toutes les étapes suivantes et travailler avec les États-Unis pour parvenir à un accord final solide.

Nous apprécions vraiment tout ce que l’Amérique a fait pour aider l’Ukraine à maintenir sa souveraineté et son indépendance. Et nous nous souvenons du moment où les choses ont changé lorsque le président Trump a fourni à l’Ukraine des Javelins. Nous en sommes reconnaissants.

En ce qui concerne l’accord sur les minéraux et la sécurité, l’Ukraine est prête à le signer à tout moment et sous toute forme qui lui conviendra. Nous considérons cet accord comme un pas en avant vers une plus grande sécurité et des garanties de sécurité solides, et j’espère sincèrement qu’il fonctionnera efficacement après une réunion tendue. »

Cette volte-face, accompagnée d’un plan de paix concret et d’une reconnaissance du soutien américain, place les journalistes et les chefs d’Etat européens dans une position inconfortable. Eux qui, à travers éditoriaux vibrants et discours solennels, se posaient en garants moraux de la cause ukrainienne, se retrouvent relégués au second plan, incapables d’offrir une alternative crédible face à l’offensive diplomatique de Kiev vers Washington. 

L’Europe, déjà critiquée pour son manque de cohésion et son incapacité à peser militairement, voit son influence s’effriter davantage, suscitant un sentiment de déclassement qui pourrait bien s’apparenter à une humiliation collective.

Silvia Oussadon Chamszadeh

Dessin d’Alex Roanne

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