Le pouvoir avance masqué, mais avance quand même
Il y a des phrases qui ne s’échappent pas par hasard.
Qualifier CNews de « dissidence à remettre au pas » n’est pas un dérapage : c’est une confession.
Un chef d’État sûr de lui n’emploie pas les mots des dictateurs qui traquent les oppositions. Un président qui parle ainsi ne protège pas la démocratie, il la surveille.
« Dissidence », c’est le vocabulaire des dictatures qui redoutent ceux qui ne pensent pas comme eux.
« Remettre au pas » c’est la formule des dictatures qui attendent l’obéissance.
Ce n’est pas seulement grave. C’est sidérant.
On ne demande pas à un président de choisir quels journalistes doivent être punis, encore moins de souffler à l’ARCOM les sanctions à imposer.
Et pourtant, les signaux s’additionnent. Les avertissements répétés, les pressions officielles, le Conseil d’État mobilisé pour jauger le pluralisme d’un média privé…
Pendant que l’hôpital s’effondre, que l’école chancelle, que les attaques au couteau, se multiplient, que les narco- trafiquants font la loi, ce président étrange, incapable de diriger le pays, vient jouer au shérif en s’acharnant sur une chaîne de télé. C’est tout simplement un pathétique renversement de priorités.
Ce glissement ferait frémir si nous n’y étions pas déjà habitués.
L’habitude, voilà l’ennemi : elle banalise l’atteinte aux libertés, et rend acceptable tout ce qui devrait déclencher un électrochoc.
La pente se fait si douce qu’on ne sent plus la chute. Mais derrière la posture autoritaire, il y a surtout une peur panique, car ce n’est pas CNews qui tremble, c’est Macron qui tremble parce que comme tous les dictateurs, il redoute ce qu’il ne contrôle pas.
La liberté de la presse n’est pas un privilège que l’Elysée distribue selon l’humeur présidentielle. C’est un socle. Un droit. Un pilier non négociable.
Un président qui menace ce pilier, même sous forme de phrase lâchée en privé, menace la République elle-même
Qu’il s’agace, qu’il fulmine, qu’il râle, qu’il convoque l’ARCOM comme un pion, cela ne change rien. Les journalistes libres n’ont pas besoin de son autorisation pour exister.
Entretemps, le président poursuit ses délires. Il caresse l’idée de distribuer des bons points et de ranger la presse comme ses Playmobils.
Emmanuel Macron a encore trouvé le moyen de pourrir l’air ambiant : il veut “labelliser” les médias. En clair : coller des étiquettes de “bons” et “mauvais” journalistes.
“CNews : bof. Mediapart : peut mieux faire. Le Monde : excellent esprit, continuez de louer l’Europe.”
Quand Macron vous explique la liberté, préparez-vous à perdre un droit. Il nous ressort donc son vieux fantasme :
“Des professionnels qui labellisent les médias entre eux.”
En clair : une caste de rédactions subventionnées, qui se distribuerait l’onction morale entre confrères, genre un petit cercle de vertueux auto-certifiés.
Et il insiste : “Ce n’est pas l’État, hein ! sinon c’est une dictature !”
Yes, Manu, on a compris. Tu proposes l’idée, tu pousses le concept, tu expliques comment ça devrait fonctionner, tu organises le foutoir, mais techniquement, ce ne serait pas toi.
C’est comme si Vladimir Poutine expliquait qu’il ne truque pas les élections, qu’il “influence le cadre”.
Et dès que Pascal Praud lâche “Pravda”, l’Élysée crie au complot :
“Fake news ! Fake news ! On déforme mes propos !”
La meilleure perle reste sa leçon sur les “jeunes”, “Il faut les inciter à aller vers des médias avec des journalistes.”
On dirait un instituteur désespéré devant une classe de CP.
“Les enfants, laissez TikTok et écoutez l’Oncle Macron, il sait mieux que vous ce qui est bon pour votre esprit.”
Le problème, c’est que derrière la blouse blanche du prof, on aperçoit la matraque du contrôleur.
Comme toujours, Macron fait semblant de ne pas comprendre pourquoi on le trouve arrogant, autoritaire et obsédé par l’idée “d’emmerder les français”.
Ce type a une conception étrange de la démocratie, il adore la pluralité, mais seulement quand elle dit ce qu’il veut entendre. Il défend la presse, mais à condition qu’elle se tienne à carreaux, et il célèbre la liberté, mais sous condition suspensive de validation présidentielle.
Et nous voilà flanqué d’un président qui, parce qu’il ne supporte pas qu’on le critique, cherche à créer un label de vérité.
Si vraiment Emmanuel Macron veut remettre quelqu’un au pas, qu’il commence d’abord par gérer sa folie car au rythme où elle file, le danger pour la France n’est pas une chaîne d’info, c’est un pouvoir qui déraille.
Séraphine