La non-reconnaissance par le tribunal correctionnel de Bobigny, du caractère antisémite de l’abattage d’un arbre à la mémoire d’Ilan Halimi pose plusieurs questions.
Elle est d’abord l’expression du déni d’une réalité manifeste. Car faire croire que les deux jumeaux aient pu, en pleine nuit, venir outillés, scier un arbre dans un cimetière, après l’avoir choisi au hasard de leurs pas, tout en ignorant qui était Ilan Halimi et que sa judéité avait constitué le motif de son assassinat en 2006 relève pour le moins d’un immense foutage de gueule. Comment pour les juges, est-il possible qu’il n’y ait pas eu « assez d’éléments permettant d’établir que les deux hommes avaient conscience qu’il s’agissait d’un monument en la mémoire du jeune Juif » ? Quel esprit sensé peut raisonnablement croire un tel argument ? Après tout, si la justice compte sur notre cécité, c’est bien qu’elle a perdu le bandeau de l’équité qui cachait ses yeux.
Ensuite, dans une symétrie qui ne surprend plus personne, le rejet par le tribunal du mobile antisémite se justifie très certainement par l’origine des deux mis en cause : la condamnation de leurs actes pour antisémitisme, outre l’aggravation de la peine encourue, reviendrait à valider l’origine musulmane du climat antijuif actuel et donc, à infirmer l’idée qu’il n’existe qu’une seule cause à l’antisémitisme, qui ne serait le fait que de l’extrême-droite. Tout doit donc être fait pour que le narratif d’usage soit préservé.
En l’espèce, le cas de figure est simple, voire simpliste : victime juive d’un côté, délinquants illégaux tunisiens de l’autre. Tout l’enjeu est donc de tordre le cou à une équation devenue banale, en usant de tous les recours juridiques y compris d’arguments spécieux pour que ce lien ne soit pas établi. Tout comme dans l’affaire de la malheureuse Sarah Halimi dont l’assassin, sous l’emprise du cannabis, avait été déclaré irresponsable par les psychiatres, la déresponsabilisation des agresseurs, pour motif psychiatrique ou en raison de leurs origines, reste l’objectif à atteindre.
Enfin, plus largement, cette décision du tribunal pose l’épineuse question de la partialité d’une justice rejetée et contestée par une large partie des Français. N’observe-t-on pas au fil des différentes affaires devant tribunaux, des verdicts le plus souvent défavorables aux victimes et à l’inverse, une clémence devenue la norme, à l’endroit des agresseurs surtout si ceux-ci sont issus de certaines diversités ? Dans le cas qui nous intéresse comme dans d’autres, il semble bien qu’en dépit des évidences, et bien qu’elle s’en défende, la justice ait depuis longtemps choisi son camp, et se montrera favorable aux victimes uniquement si celles-ci répondent à certains critères. Sans la dimension universelle du droit et des principes imprescriptibles qui le fondent, le judiciaire en devenant politique perd ainsi toute crédibilité et pose réellement question.
Ce que la justice feint de ne pas comprendre, puisque son fondement ne peut être d’ordre moral, c’est qu’en contestant les réalités qui conduisent à de tels actes, elle profane la vérité que par nature elle est censée rechercher, et en niant la nature de l’acte quand ce n’est pas sa réalité-même, assassiné une seconde fois. Cela porte un nom : le négationnisme.
Nestor Tosca