La Reine Meloni

On l’avait caricaturée en Mussolini à talons. On la croyait infréquentable, on l’imaginait instable, on pensait qu’elle serait vite disqualifiée par son passé. Giorgia Meloni, l’ex-militante post-fasciste, enfant des quartiers populaires de Rome, sans grandes écoles, sans réseaux, sans bling-bling, ne devait être qu’un feu de paille populiste de plus. Une parenthèse vulgaire, un brouhaha à l’italienne.  

Mais deux ans plus tard, elle est là.
Puissante. Redoutablement efficace. Là où ses détracteurs la voyaient comme un vestige embarrassant de l’histoire italienne, elle s’est muée en figure centrale de l’Europe politique. 

L’erreur de casting est devenue une femme d’État. Et pour comble, ce règne se déploie sous les ors de Bruxelles et les sourires hypocrites des eurocrates qui la méprisaient hier encore. 

Le changement de décor est devenu un rituel. Trump la salue, Ursula l’écoute, Merz s’efface…  La post-fasciste fait la leçon aux progressistes. Meloni, a compris que le pouvoir ne se récite pas, avec des accents de théâtre, elle n’a pas eu besoin de séminaires à l’ENA pour comprendre ce que veut son peuple.     

Dans les sommets européens, c’est Meloni que l’on écoute. Celle qu’on appelle la Reine Meloni, gagne en poids, en assurance, en centralité. Elle incarne déjà le rôle de leadership européen. Macron l’applaudit à contrecœur. Il tape dans ses mains comme on avale une gifle.
Lui qui voulait mener l’orchestre européen se retrouve figurant, obligé d’applaudir la soliste qu’il méprisait.

Depuis 2017, Macron enchaîne les mantras : souveraineté stratégique, autonomie technologique, réveil géopolitique… Il a saboté la diplomatie française. Elle s’est lentement effondrée sous ses provocations internationales. Macron s’est fâché avec Israël, il a été humilié par l’Australie, marginalisé en Afrique, ignoré à Londres, jeté par le Roi du Maroc, défié à Alger. Même ses alliés historiques se méfient de lui comme de la peste.
Et pendant que l’arrogant Monsieur je sais tout, exaspère les français, Meloni, que l’on pensait incapable de s’exprimer au niveau international, tisse ses réseaux, stabilise l’Italie, défend ses intérêts avec calme, et sans céder à la gesticulation.

Avec le Plan Mattei, elle propose un pacte sérieux à l’Afrique : des investissements concrets en échange d’une coopération migratoire, du coup, même l’OTAN, un club de planqués, méfiants à l’égard des souverainistes, lui accorde aujourd’hui plus de crédit qu’au président français de plus en plus moqué et isolé.

La France, autrefois moteur du continent, s’enfonce dans une crise de leadership symbolisée par un président incapable de fédérer.

Ce duel symbolique dépasse les personnes. Il dit quelque chose de l’évolution du leadership en Europe.
L’ère des présidents-débatteurs touche à sa fin. L’heure est aux dirigeants réalistes, ancrés, lisibles, opérationnels, qu’on les aime ou non.

Les grenouilles demandaient à Jupin un roi qui se remue, les peuples ne veulent plus de sermons, ils demandent des résultats. 

Si Giorgia Meloni n’incarne pas le rêve européen, elle en est la réalité. L’Italie offre aujourd’hui à l’Europe sa dirigeante la plus cohérente. Et l’Histoire qui n’est jamais avare d’ironie, s’éclate devant le spectacle de Macron faisant des grands discours sur la souveraineté stratégique… pendant que Meloni lui pique le premier rôle sans même lever la voix.

Silvia Oussadon Chamszadeh

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