La chronique de Patrick Pilcer
Depuis le fiasco de la dissolution de 2024, la France semble avoir perdu le fil de sa politique étrangère. Faute de pouvoir agir sur le terrain intérieur, « l’Élu » concentre son énergie sur la diplomatie et la défense. Mais à force d’agitation, c’est une impression de confusion et d’incohérence qui domine.
Sur l’Ukraine, la ligne française s’affirme dans un registre martial : dénonciation de Moscou, menace d’envoi de troupes, discours alarmistes sur la sécurité de l’Europe. L’analyse de la menace est fondée, nul n’en doute. Mais le moment choisi et les formules employées interrogent : alors que les partenaires cherchent à éteindre l’incendie, la France semble attiser le feu, risquant de perdre encore en crédibilité.
Au Moyen-Orient, l’impression de désordre est encore plus frappant. Reconnaître un État palestinien aujourd’hui, dans un contexte marqué par le chaos de Gaza et la fragilité d’une Autorité palestinienne discréditée depuis longtemps, revient à ouvrir la voie à une victoire électorale des barbares islamistes. Loin de permettre des avancées vers la paix, un tel geste risque de nous en éloigner.
Or une solution durable ne se décrète pas à l’ONU, elle exige un cadre régional et une négociation élargie, incluant notamment la Jordanie, dont la population est majoritairement palestinienne. Rappelons que l’actuelle Jordanie faisait partie intégrante du mandat britannique sur la Palestine, mandat qui fut suivi par la création de la Jordanie et d’Israël.
Cette diplomatie hésitante se traduit aussi par des décisions incompréhensibles. Comment justifier que la France accorde des visas à des individus soupçonnés de sympathies avec le Hamas ou porteurs d’un discours antisémite, tout en les refusant à des agents de sécurité d’El Al dont la mission est de protéger des passagers civils ? Ce double standard brouille notre message, affaiblit notre position et envoie au monde une image de faiblesse et de confusion.
En quelques jours, Macron a visiblement choisi de tourner le dos à son allié Israël, la seule démocratie de la région, avec qui nous partageons pourtant tant, de le dénigrer, de l’isoler, pour reconnaître un état de Palestine et prêter main forte à un régime corrompu, sans légitimité, qui gouverne l’autorité palestinienne. Il sait pourtant que si un état voyait le jour actuellement à Gaza et dans les Territoires disputés, ce sont les barbares du hamas qui gagneraient les élections…grâce à Macron.
Tout comme il refuse obstinément de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, tout comme il continue de maintenir le consulat en charge des Territoires disputés à Jérusalem Ouest, dans un quartier clairement israélien, comme pour nier le droit des Israéliens à choisir leur capitale, sur leur sol. Imaginons que Trump décide de placer l’Ambassade des Etats-Unis en France à Lyon ou Ajaccio. Cela serait ridicule, mais cela n’effraie pas notre actuel Président.
Il y a des paradoxes qui ne sont plus de simples maladresses diplomatiques mais des fautes politiques. La France de Macron et de son ministre des Affaires Étrangères Barrot en offre un exemple affligeant encore sur les relations entre la France et Israël.
Cette incohérence s’inscrit dans un continuum. En novembre 2023, Emmanuel Macron avait déjà refusé de participer à la grande marche républicaine contre la haine des Juifs. Prétextes et explications ne suffisent pas à effacer ce refus, qui demeure une blessure pour la communauté nationale et un signal désastreux envoyé aux ennemis de la République. Aujourd’hui, après sa défaite cuisante aux élections législatives consécutives à la dissolution, le Président s’agite sur ce qu’il considère comme ses “domaines réservés” – la diplomatie et la défense. Mais cette agitation, loin de redresser l’image de la France, l’affaiblit davantage.
Et il y a pire. En s’en prenant, en plein conseil des ministres, à la communauté juive de France, une communauté qui a toujours été irréprochable depuis des siècles, Macron n’hésite pas à séparer les Français en fonction de leur religion, c’est ignoble.
Dans cette déclaration, Macron établit une équivalence entre le gouvernement israélien, et le hamas, et dans la même phrase il amalgame juifs et israéliens. Il mélange un gouvernement légitimement élu, formant une coalition démocratique avec un ramassis de barbares sanguinaires qui n’ont pas hésité à étrangler à mains nues le bébé Bibas, son frère et leur mère. Il confond religion et nationalité. Infâme, bête et méchant. Ce n’est pas à la hauteur de la France !
Macron a beau honorer la mémoire de juifs morts, du général Dreyfus à Ilan Halimi, et il faut le faire, il jette en pâture les Français Juifs vivants aux antisémites d’aujourd’hui, il a ouvert la boîte de Pandore, le dentifrice sort du tube, et il ne pourra le faire re-rentrer !
Une question s’impose : cette agitation estivale sur la scène internationale préfigure-t-elle une nouvelle action du Président sur la scène intérieure en septembre ou octobre ? Cherche-t-il à faire peau neuve avant une prochaine dissolution ? Mais alors pourquoi en abandonnant les Français Juifs ? Cherche-t-il une alliance gouvernementale avec LFI les verts et le PS ?
Une diplomatie ne se construit pas sur des incohérences. Elle doit reposer sur des principes clairs : la défense des innocents contre le terrorisme, la lutte sans merci contre les barbares comme ceux auteurs de la tentative de génocide du 7 octobre, une lutte qui appelle une capitulation totale et sans condition, comme celle des nazis en 1945, le refus de toute complaisance vis-à-vis de l’antisémitisme, le rejet de tout amalgame, la cohérence entre discours et actes. Quand la France en vient à protéger les ennemis de ses propres valeurs plutôt que ses alliés naturels, elle trahit à la fois son héritage universel et ses engagements.
Cette diplomatie chaotique met aussi en danger notre République.
La République, c’est la clarté des choix, l’universalisme de ses valeurs, la parole juste, pas la confusion des postures. Il est temps de remettre de l’ordre dans une politique étrangère devenue illisible, et de replacer nos principes républicains au milieu du village. Car une France incohérente, c’est une France affaiblie. Et une France affaiblie, c’est une République qui vacille.
Patrick Pilcer
Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers, auteur de « Ici et maintenant – lecture républicaine de la Torah » (préface du Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, éd. David Reinharc).