Boualem Sansal – Une plume est plus dangereuse qu’un couteau

Boualem Sansal, âgé de près de 80 ans fut arrêté par la police à sa descente d’avion à Alger le 16 novembre 2024 alors qu’il se rendait dans sa famille. Il est détenu au secret dans une prison médicalisée, et son avocat français n’a pas pu assister ou avoir accès à son client ni même au dossier d’instruction au prétexte qu’il est juif. (sic).

À l’écrivain de nationalité franco-algérienne, le régime algérien reproche notamment  des « atteintes à la sûreté de l’État », et des « atteintes à l’intégrité du territoire national », atteintes assimilées à du « terrorisme » par le droit algérien. Boualem  Sansal  n’écrit  jamais pour lui mais pour des lecteurs avec lesquels il cherche à bâtir une communauté. La motivation qui le conduit à écrire émane du monde qui vient à l’intérieur des mots transmis. La puissance de l’écriture, c’est l’humanité comme terreau où peuvent germer les signes tracés par  celui qui ose prendre la plume. Le philosophe allemand Walter Benjamin disait à propos de récits dont nous faisons mémoire « ils sont encore capable, après des milliers d’années, de nous étonner et de nous donner à réfléchir. Ils ressemblent à ces graines enfermées hermétiquement pendant des millénaires dans  les chambres  des pyramides, et qui ont conservé jusqu’à aujourd’hui leur pouvoir germinatif ».

Boualem Sansal sait que les paroles s’envolent tandis que les écrits restent. La vision de l’écrivain reste arrimée à la vie et à ses embûches qui influencent son chemin chaotique. Lorsque le parole n’est plus de mise, il ne reste à l’écrivain que la plume pour exprimer ce qu’il ressent en mettant des mots. Alors surgissent  des souvenirs qui persistent et s’ancrent dans le cœur, l’esprit et le corps. Dans toute dictature, les souvenirs sont interdits car trop évocateurs…

Boualem Sansal refuse d’avoir un jour à se dire devant son miroir : « J’aurais dû le faire quand il était encore temps ». En réalité, le  gouvernement algérien reproche au romancier, très critique du régime des propos tenus sur l’antenne de Frontières, dont il est membre du comité éditorial : affirmant notamment la souveraineté marocaine sur  le  Sahara  occidental.  Sous couvert de « lutte contre le terrorisme et pour l’intégrité de l’État », accusations burlesques contre un vieil homme, le régime algérien pratique le délit d’opinion et l’arbitraire opaque, pour, à travers Boualem Sansal, s’en prendre à la France.

Le monde de l’écriture, le vrai, celui qui s’honore de protéger tous les écrivains dignes du monde indépendant, redécouvre qu’il est plus aisé de se compromettre avec une compassion déshonorante pour un terroriste, spécialité historique de la gauche avec ses compagnons LFI et Vert, que pour défendre un écrivain qui se contente de dénoncer toute dérive autoritaire envers le peuple.

Le néoféminisme français est atteint de la  même maladie : une idéologie qui veut réduire les femmes à leur infériorité juridique, économique, culturelle, sexuelle en les mettant sous tutelle en leur faisant croire que leur malheur ne vient pas d’elles mais de l’Occident et que la liberté est sous le voile qui recouvre leur honte d’être une femme. Qu’en pensent les Iraniennes ? Cette idéologie s’arrime à Schopenhauer qui osa écrire : « Toute femme placée en situation de complète indépendance, ce qui n’est pas naturel pour elle, s’attache aussitôt à n’importe quel homme par qui elle se laisse dominer, parce qu’elle a besoin d’un maître : si elle est jeune, elle prend un amant. Si elle est vieille, un confesseur ».

Concorde politique le 23 janvier, les députés du Parlement européen ont voté à la quasi-unanimité – 533 votes pour, 24 contre et 48 abstentions – une résolution exigeant de l’Algérie qu’elle libère l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, détenu par Alger depuis plus de deux mois. Le texte de la résolution « condamne l’arrestation et la détention de Boualem Sansal et réclame sa libération immédiate et inconditionnelle ». Notons que cette unanimité fut brisée par 24 votes hostiles à cette résolution. La majorité de ces votes provient du groupe parlementaire The Left d’extrême gauche auquel se sont associés les quatre parlementaires insoumis : Arash Saeidi, Anthony Smith, Emma Fourreau, et Rima Hassan. Cette juriste pro-Hamas écrivait le 9 juillet 2024 que « La Mecque des révolutionnaires et de la Liberté est et restera l’Algérie » !

Boualem Sansal, courageux, intelligent, cultivé, est un prophète. Merci à l’Algérie de nous avoir offert un patriote génial qui donne sa vie pour nous ouvrir les yeux. Aucune civilisation n’est parfaite, mais on a la nécessité de continuer notre histoire. Il faut se battre contre les doctrines qui nous rendraient étrangers à nous-mêmes.
Boualem Sansal est arrivé, avant qu’il ne soit trop tard pour la civilisation française.
« Nous avons des chances de perdre ce que nous sommes ».
Si nous ne faisons rien, nous n’avons pas la moindre chance de rester ce que nous sommes, d’autant que ce qui arrive aujourd’hui est la preuve que nous avons déjà perdu plus de la moitié de ce que nous sommes !
« La France c’est un paillasson, les gens y rentrent et s’y essuient les pieds dessus »…

Être fier d’être algérien, c’est être fier de Boualem Sansal. Je l’ai découvert il y a quelques années et je salue sa lucidité et son regard sans aucune complaisance sur la réalité. Il nous est dit que ceux qui écoutent les discours musulmans se laissent séduire par une « petite musique qui les rassure et les endorment ». N’est-ce pas ce que nos hommes politiques et nos journalistes font aussi ? Chaque citoyen n’a-t-il pas le droit, finalement, de choisir ce qu’il veut écouter et entendre ? Si notre démocratie fonctionnait mieux, il y aurait de véritables échanges « démocratiques » autour du vivre ensemble. Ne devrions-nous pas, pour « sauver » ce que nous aimons de notre culture, trouver de nouveaux équilibres, revenir à l’essence de la loi de 1901 ? Ne pratiquons-nous pas trop la tartuferie ?

Il faut lire le livre Le village de l’Allemand de Boualem Sansal.
Le parallèle qu’il y fait entre le nazisme et l’islamisme est flagrant, la genèse des deux idéologies tellement similaire qu’on peut s’inquiéter de l’aboutissement que cela engendrera en Europe !
L’Occident a oublié son histoire : la laïcité a pu voir le jour car elle descend de la chrétienté. Chocs des civilisations, chocs des religions, les deux prophètes sont différents. Le monde laïque a pu voir le jour car il descend d’une religion ouverte, son prophète n’est pas un guerrier, il est le roi des pauvres, la compassion et le pardon. Cela se rapproche d’une philosophie de vie pour être et se comporter avec son prochain…
La civilisation occidentale domine actuellement le monde économique, technique, culturel. Elle est dominante, les pays du monde entier suivent son chemin et tentent de la dépasser mais personne n’y est arrivé pour l’instant.
Ça commence par un voile, un foulard, un burkini et ça finit en califat. Boualem Sansal est notre vigie.

Aujourd’hui, ce qui manque, c’est le fait de prendre le temps de réfléchir avant de parler ou d’agir. Chacun doit faire sa part. Il faut arrêter de ne rien dire. Rester pacifique, bien entendu, mais arrêter de se taire. Certains disent que la civilisation européenne ne séduit plus ni à l’intérieur ni à l’extérieur. Il n’a qu’à voir le nombre de jeunes qui risquent leur vie pour traverser les frontières et venir en Europe. Donc l’Europe séduit et séduira toujours.

La Cour européenne des droits de l’homme a établi le 31 juillet 2001 que « l’instauration de la charia et d’un régime théocratique était incompatible avec les exigences d’une société démocratique » ! La question est : pourquoi nos politiques ne l’appliquent-ils pas ? Sans doute pour le pétrole ?

Je pense que les musulmans en Europe doivent avoir les mêmes droits que les chrétiens dans les pays à majorité musulmane.
La France a un projet de société, celui d’une république de libertés. Elle espère que les nouveaux venus et leur progéniture vont adhérer à ce projet alors que souvent, les nouveaux arrivants pensent bien autrement, préfèrent vivre en marge physiquement ou administrativement et selon les rites de leurs propres cultures. À la longue, il se bâtit des murs et non des ponts.

C’est reparti comme en 1492. Quel bond en arrière vers la décivilisation. À l’indépendance, il était logique que l’islam reprenne sa juste place dans le pays en construction, même si Boumédiène a toujours voulu lui donner une orientation progressiste et égalitaire, encourageant la libération de la femme, son éducation et sa participation au développement du pays dans une orientation socialiste.
Après le décès de Boumédiène, le pays a pris une autre orientation durant les années 80 puis 90.

Cassandre !
Un point est occulté dans le débat public : la question des textes fondateurs – Coran, hadiths, exégèses classiques. Beaucoup, y compris parmi les musulmans, n’en ont qu’une connaissance partielle.
Or, ces textes contiennent, à côté de dimensions spirituelles ou morales, des passages qui soulèvent de vraies questions lorsqu’ils sont lus littéralement. Certains de ces versets, s’ils étaient appliqués de manière stricte, entreraient en contradiction avec les principes des sociétés démocratiques.
Il ne s’agit pas ici de stigmatiser les croyants, ni de réduire l’islam à ses passages problématiques – toutes les religions ont leurs zones d’ombre.
Mais il semble légitime d’ouvrir un débat public sur leurs interprétations contemporaines. Cela ne peut se faire ni dans la caricature, ni dans le déni. Refuser cette discussion par peur de heurter revient à abandonner le terrain aux extrêmes : aux fondamentalistes d’un côté, et à ceux qui prônent le rejet global de l’islam de l’autre.
Entre ces deux pôles, il y a une voie possible : celle de la vérité, de la connaissance… et de la liberté de conscience.

Il n’est plus possible de poursuivre dans ce déni des réalités, d’autant plus qu’on s’accorde presque unanimement, souvent de façon tacite, sur la nécessité d’affronter la réalité sociale avec tous ses défis, sur le constat que les discours religieux et politiques peinent à suivre les transformations sociétales.

Monsieur le président Tebboune, laissez à l’Algérie l’honneur d’être une terre qui ne craint pas ses écrivains : libérez Boualem Sansal !
Aujourd’hui, cela vous semble difficile, alors que demain, votre image et celle de votre pays seraient différentes…

Gérard Cardonne
Président de la Société des Écrivains d’Alsace, de Lorraine et du Territoire de Belfort

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