En juillet 1922, après l’assassinat de Walter Rathenau, ministre des Affaires étrangères de la République de Weimar, la monnaie officielle de l’Allemagne vaincue, le mark-or, s’effondre à 493 marks pour un dollar. En parallèle, la confiance dans la stabilité politique du pays chute brutalement.
Dans la panique, la Banque centrale allemande, la Reichsbank, augmente massivement la masse monétaire, autrement dit, elle imprime de plus en plus de billets pour tenter de faire face aux exigences de réparations imposées par les vainqueurs de la Première Guerre mondiale, tout en maintenant l’emploi et les exportations.
En décembre 1922, le mark tombe à 7 592 pour un dollar.
Le 9 janvier 1923, la Commission des Réparations constate que l’Allemagne a failli à ses engagements. Deux jours plus tard, le 11 janvier, Raymond Poincaré ordonne l’occupation militaire d’Essen et d’autres villes industrielles de la Ruhr.
En réponse, le gouvernement allemand appelle à une résistance passive généralisée. Il ordonne à ses citoyens de refuser tout ordre émanant des autorités françaises. Les ouvriers cessent de faire fonctionner les hauts fourneaux et les usines. Pour soutenir les familles, le gouvernement fait tourner la planche à billets, imprimant toujours plus de marks. À l’époque, la Ruhr représente 80 % de la production allemande d’acier, de fer et de charbon, et plus de 70 % du trafic de fret.
L’occupation française provoque l’arrêt brutal de l’activité industrielle allemande. Plus de 150 000 Allemands sont expulsés de la zone occupée, 400 sont tués, plus de 2 000 blessés. Les forces françaises isolent économiquement la Ruhr du reste du pays.
Les ressources bancaires, les agences de la Reichsbank, les stocks d’usines et de mines sont saisis. La monnaie allemande s’effondre. Dès janvier, peu après le début de l’occupation, le mark plonge à 18 000 pour un dollar.
La Reichsbank tente de maintenir la situation jusqu’en mai. Ensuite, tout dérape. En juillet, le mark chute à 350 000 pour un dollar ; en août, à 4 620 000. Le 15 novembre, il atteint le niveau inouï de 4 200 milliards de marks pour un dollar.
Les économies sont anéanties. Le niveau de vie s’effondre. La population sombre dans la pauvreté. Les obligations d’État, les hypothèques, les dépôts bancaires ne valent plus rien. Toute la classe moyenne, pilier de la stabilité du pays, est ruinée.
En septembre 1923, le gouvernement de coalition dirigé par Gustav Stresemann met fin à la résistance passive. Un plan américain, le plan Dawes, est approuvé en avril 1924 par la Commission des Réparations et adopté par un gouvernement allemand à bout de forces.
Poincaré perd les élections en mai 1924, remplacé par Édouard Herriot, à la tête du Cartel des gauches.
Dès novembre 1923, le banquier Hjalmar Schacht est nommé commissaire à la monnaie. Il introduit une nouvelle devise, le Rentenmark, adossée fictivement à des actifs immobiliers pour stabiliser le mark. En décembre, Schacht devient président de la Reichsbank.
Sous l’égide du plan Dawes, l’Allemagne paie ses réparations pendant cinq ans, jusqu’en 1929. Sa reconstruction est entièrement financée par des prêts anglo-américains.
En 1929, le fragile ordre monétaire imposé par les banques de Londres et de New York après le traité de Versailles s’effondre. La crise américaine de 1929 gagne l’Europe. La faillite de la banque autrichienne Creditanstalt déclenche une réaction en chaîne.
En Allemagne, la chute de la banque DANAT en 1931 plonge le pays dans ce que l’on appelle « l’hiver le plus dur depuis cent ans ».
L’Italie, elle aussi en difficulté, reçoit une aide de 100 millions de dollars pour stabiliser la lire. Mussolini convainc les Anglo-Américains qu’il est l’homme fort capable de mater les syndicats, baisser les salaires et imposer l’austérité nécessaire aux remboursements.
Schacht, quant à lui, quitte la Reichsbank et s’emploie à organiser le soutien financier de l’homme qui dirige le Parti national-socialiste des travailleurs allemands, le parti nazi. Il sera plus tard nommé ministre des Finances du futur chancelier allemand.
Jean Paul Probst
Sources : William Engdahl (Pétrole une guerre d’un siècle)