Chapitre XLXI

Et l’on grandissait

Ils avaient enveloppé notre enfance de leur propre bonheur, de leurs contes féeriques et de leurs rêves lumineux. Ils avaient tissé autour de nous des promesses d’un monde éclatant de beauté. Un monde où l’amour prenait les traits d’un prince charmant, ou d’une fleur charmante, comme disait Berthold,  ils avaient tissé un monde oú  la vie s’étendait comme une éternité de jours sans ombre, où chaque pas résonnait d’aventures drapées de légèreté de romantisme et de douceur.

Le voile de l’innocence se déchirait avec le temps et la découverte d’une réalité bien plus austère. La vie, loin de l’épopée romanesque que l’on nous avait murmurée, s’est révélée être un sentier jonché de désillusions. L’amour, que l’on imaginait immortel, n’était souvent qu’une flamme vacillante, un instant de chaleur qui s’évanouit comme une brume au lever du jour, abandonnant dans son sillage une quête sans fin pour retrouver ce qui fut.

Le bonheur, promis, n’avait rien d’une vaste plénitude éternelle. Il se glissait dans des éclats fugaces, des instants dérobés à l’ombre pesante du quotidien, si brefs qu’ils laissent un goût doux-amer, un désir inassouvi de les retenir. Et la vie, dans son apprentissage, n’offrait pas de chemin clair vers la lumière. Elle était un dédale d’embûches et de faux pas où chaque épreuve nous éloignait un peu plus de nous-mêmes, nous perdant dans une recherche infinie d’une essence insaisissable, tel un mirage dans le désert.

Ainsi, les rêves d’autrefois s’effritaient face à la vérité implacable du monde. Pourtant, dans ces désillusions, dans ces errances solitaires, se forgeaient une force silencieuse. Peut-être la véritable aventure réside-t-elle là : apprendre à danser entre ces lueurs éphémères de joie et ces gouffres de désespoir, tout en poursuivant, inlassablement, cette part de nous que l’on croyait à jamais envolée. 

 Je me suis toujours beaucoup ennuyée à l’école, au lycée, à la fac, tout ce que mes enseignants me racontaient me paraissait évident. Pour les autres élèves ils avaient inventé la poudre, pour moi ils radotaient des évidences. J’avais l’intuition de ce que j’ai appelé plus tard la phrase d’après. Je savais selon ce qu’ils nous apprenait qu’elle serait la phrase d’après c’était devenu mon sport favori dans toutes les disciplines, je m’amusais à dire les phrases que je devinais en même temps que mes profs, et je m’emmerdais comme ça, à longueur de cours lorsque je ne me faisais pas jeter du cours.  

Nous avons grandi sous un soleil blanc immaculé et un ciel haut et infini  qui donnait le vertige. Chaque jour brillait d’un éclat particulier, il ressemblait à un rire heureux, chaque nuit les étoiles et le plancton étaient au rendez vous du bonheur d’être un enfant, puis un adolescent.  Cette enfance racontée par beaucoup d’entre nous n’était pas une sublimation du passé, elle était une réalité que nous avions vécue et que nous ne pouvions pas inventer ou imaginer. 

Slil

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