Je ne tombe pas amoureuse de celui qu’il faut aimer. Je ne tombe pas amoureuse de la bonne personne.
Je tombe amoureuse à cet instant précis où je me dis de ne pas tomber amoureuse.
A cet exact moment où il ne faut pas, où je ne dois pas, où c’est exactement le truc à ne pas faire, où il faut partir, s’enfuir.
Moi, je reste.
Je m’assois.
Je tombe amoureuse, face au mur.
Face à la limite.
Face à l’interdit, à l’obstacle.
Je tombe.
Amoureuse.
Et peu importe que je sois en sens inverse ou que j’aille vers lui, je ne suis pas là où je devrais être.
L’amour, c’est la bonne direction.
Moi, je vais vers la passion.
La passion, tu sais, c’est lorsque l’amour rencontre l’obstacle.
Lorsque c’est grillé.
Lorsque les fenêtres sont grillagées.
Tu peux regarder. Mais plus t’échapper.
J’aime celui qui n’est pas comme les autres, qui a un je ne sais quoi de “il ne faut pas”, qui ne respecte pas la ligne droite, qui s’est cassé en chemin, brisé, qui a pleuré en silence, celui qui s’est enfui de l’institution, celui qui a refusé les règles, celui qui ne voit pas la même chose que les autres, celui qui a du mal, celui qui ne marche pas dans le rang, celui se rebelle, celui qui n’y arrive pas, celui qui murmure entre ses lèvres mais que personne n’entend, celui qui est tombé du ciel, déchu ou envoyé, celui qui n’arrive plus à aimer, celui qui boit pour oublier, celui qui s’est trompé, celui qui a trop obéi et n’obéit plus, celui qui ne comprend pas le système, celui qui a recollé ses ailes, celui qui a osé, qui a osé sa vie à lui, celui qui est seul, celui qui est seul, même au milieu des autres, celui qui est resté enfant, celui qui a mûri trop vite, trop jeune, trop vieux, bien trop pour ici, ou pas assez … Celui qui ne répond qu’à son propre portrait.
Peu importe qui j’ai aimé.
Peu importe qui j’aime dans les silences de ma solitude.
Il y a, en chacun de nous, le brouhaha de l’amour, qui ne répond qu’à notre secret, à ce que l’on tait, à nos discrets velours …
Martine BENZ
