On en parle, on s’échauffe, on fait des moulinets avec les bras en faisant mine de s’énerver, mais sait-on vraiment de quoi on parle ? L’accord commercial entre l’Union européenne et une partie de l’Amérique latine, signé à l’allemande par l’allemande Ursula, énerve pas mal de monde, mais il n’est pas certain que tout le monde sache de quoi on parle…
L’alliance économique MERCOSUR a été créée en 1991. Elle est composée de l’Argentine, du Brésil, de l’Uruguay, du Paraguay, de la Bolivie et représente plus de 80 % du PIB de l’Amérique latine. Depuis 1999, l’Union européenne et le MERCOSUR négocient un accord d’association dans le but de développer des relations commerciales en promouvant la coopération et le dialogue politique entre les deux parties.
On comprend que l’objectif est d’intensifier les échanges de biens et de services entre l’UE et l’Amérique latine avec l’espoir d’ouvrir de nouveaux débouchés aux entreprises tout en consolidant l’existant. Cela passe bien sûr par la réduction des obstacles commerciaux en tous genres, principalement fiscaux, avec la réduction des droits de douane, ce qui n’est plus forcément dans l’air du temps depuis l’élection de Donald.
Depuis l’accord conclu le 28 juin 2019, les négociations portent également sur le développement durable, la déforestation et la mise en conformité avec l’accord de Paris sur le climat.
Ce que l’on comprend moins, c’est toute cette agitation autour d’un sujet qui, vu de loin, devrait faire consensus puisqu’il vise à améliorer les relations entre deux continents en favorisant leur prospérité. Comme souvent, il y a du vrai et du faux et beaucoup d’exagérations.
Dans le Traité, les réductions de droits de douanes concernent plus particulièrement des secteurs-clé de l’économie européenne : l’automobile, les machines et équipements électriques, les produits chimiques, pharmaceutiques, les produits plastiques et le caoutchouc. Il faut savoir qu’aujourd’hui, le MERCOSUR applique des droits de douane de 35 % sur les voitures importées depuis l’UE. Le traité prévoit d’éliminer plus de 90 % des droits appliqués aux produits venant de part et d’autre, ce qui paraît être une très bonne chose.
Là où le bât blesse, c’est qu’il sème la confusion au point que certains dénoncent un accord « viande contre voiture » puisqu’il vise à permettre aux entreprises européennes d’exporter davantage de produits industriels et de services tandis que les pays du MERCOSUR devraient pouvoir exporter davantage de produits alimentaires et agricoles vers l’Union européenne. Cependant, les éleveurs bovins ou avicoles pourraient y laisser des plumes pendant que les producteurs laitiers et viticoles pourraient faire du gras. Les premiers considèrent que ce traité met en place une concurrence déloyale dans certains secteurs avec des produits agricoles très concurrentiels sur le marché européen.
Consciente de ce problème, la Commission européenne a décidé de protéger la filière agricole en négociant des quotas de douane adaptés, c’est-à-dire que les produits importés des pays du Mercosur seraient soumis aux droits de douane normaux au-delà de ces quotas. L’Union européenne autoriserait l’entrée sur son marché de 99 000 tonnes de viande bovine soumis à un droit de 7,5 % contre 40 % actuellement, ce qui représente 1,6% de la production totale de l’Union européenne, ce qui, a priori, n’est pas monstrueux.
Pourtant, une partie des agriculteurs pense que cet accord risque de déstabiliser certaines filières, dont celle de la viande, car les importations pourraient faire baisser les prix et entraîner la fermeture d’exploitations puisqu’ils sont confrontés à des coûts de production plus élevés que ceux pratiqués en Amérique Latine. Par ailleurs, les agriculteurs évoquent l’absence de réciprocité des normes sanitaires et environnementales imposées aux éleveurs européens et qui ne le seraient pas sur les viandes importées.
Pourtant, il est prévu que toutes les règles sanitaires en vigueur au sein de l’Union européenne resteront appliquées dans le cadre de l’accord UE-Mercosur. A titre d’exemple, les OGM interdits dans l’UE ne pourront pas être importés. De même, les produits importés traités avec des substances non autorisées dans l’Union européenne, ne seraient admis que si les résidus de ces pesticides sont inférieurs à une limite maximale fixée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
Par ailleurs, des quotas négociés sont assortis de clauses de sauvegarde visant à protéger le marché de l’Union européenne en cas de préjudice grave causé par les importations du Mercosur.
Il est vrai que chacun voit midi à sa porte et qu’il espère que l’Etat prendra toujours fait et cause pour lui, mais il faut accepter que l’Etat ne peut pas agir autrement qu’en tenant compte d’une globalité, toujours hétérogène. Si l’on veut que les Sud-Américains achètent nos voitures, nos TGV, nos centrales nucléaires, nos avions, etc… il faut accepter, en retour, que nous achetions ce qu’eux-mêmes savent faire.
N’oublions pas que l’Europe est à la croisée des chemins, en essayant d’assurer sa survie dans l’affrontement de deux géants, les USA et la Chine, qui n’ont pas besoin de grand’chose pour nous aplatir complètement et définitivement.
Le Brésil possède 20 % des réserves mondiales de graphite, de nickel, de manganèse et de terres rares, éléments cruciaux pour les technologies modernes. L’Argentine, quant à elle, possède la troisième réserve mondiale de lithium, matière essentielle pour les batteries de véhicules électriques.
Le Mercosur constitue le 5ème marché mondial ; les parts de marché de l’UE y ont reculé de 35 à 17 % en vingt ans, principalement au bénéfice de la Chine. Si cet accord n’était pas signé, on verrait, sans aucun doute, un nouveau rapprochement entre l’Amérique Latine et la Chine, qui, on le sait, n’est jamais submergée par ses états d’âme. Elle est d’ailleurs la première importatrice des productions du Mercosur et elle a prévu d’investir 250 Md$ dans la région d’ici à 2025.
Le Torchis n’est pas avare de polémiques mais, de temps en temps, il aime bien remettre les choses à leur juste place. En gros, il faut savoir ce que l’on veut : le beurre et l’argent du beurre, ça n’a jamais marché. Si chacun persiste à oeuvrer dans son coin pour défendre son petit pré-carré sans tenir compte de l’intérêt général, favorable à terme, tout le monde perdra
O.T.