Je ne suis plus la même.
J’ai troqué le plaisir contre la conscience.
Abandonné le désir pour l’éthique.
La jeunesse légère pour la maturité fière.
Les ivresses amoureuses pour l’extase religieuse.
La beauté inégalée de la jeunesse pour la profonde lumière de l’âge qui s’avance.
Les délices et délires cruels pour l’étude et la quiétude.
La passion douloureuse pour la reconnaissance heureuse.
Je suis enfin capable de lire derrière les moues, les murs, les mots, les mots dits et les mots tus, les maudits et les motus.
Et bouches cousues.
Je parle enfin la langue des signes qu’ils ont faits, de l’implicite, du sous-entendu, du rire. Ou de l’absence.
Je sens leurs essences et leur essence.
Ciel.
Je ne suis plus la même.
J’aime toujours aussi fort. Je n’ai rien oublié. Des quais ou des ports.
Des espoirs et désespoirs.
Du soleil et de la nuit noire.
De la splendeur et de la douleur d’aimer.
De son odeur, imaginée.
Du bonheur d’être souhaitée.
Ni de tellement, tellement, vouloir y aller.
Je n’ai rien oublié.
Mais je regarde la rue depuis un autre quai.
Peu m’importe de fermer les portes
Des lieux où je n’ai pas le droit d’entrer.
Je ne veux marcher que sur la voie
De Sa Volonté.
©️ Martine Benz