Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Tar’ ta gueule à la récré

Au comptoir du Mollberg, sous les lourdes charpentières des chênes où s’accrochent encore les vapeurs du dernier vin chaud, Gwio le druide et Brennos le barde, sont penchés sur leurs chopes. Le zinc, utilisé par des générations de coudes, réfléchit à peine la lumière vacillante de la lampe. Entre deux gorgées de cervoise, l’un agite son bâton noueux, l’autre vibre de colère. L’instant est grave. C’est la France de tous les chaos, le chaos migratoire, sécuritaire, financier, économique.  

–  Tu crois qu’on va finir par le trouver, ce druide du centre qui fera l’union des tribus de la République ? Le p’tit Mozart de la finance pratique encore l’entre soi. Il veut nous coller un de ses porte- serviettes, Sébastien Lecornu, son ex-ministre des armées.

Le verbe perçant comme une flèche gauloise, Brennos reprend Gwio en frappant du poing sur le zinc, envoyant valser un vieux dé à runes.

– Mais non, le p’tit a cédé aux menaces du bon François Bayrou, le vieux hibou du Béarn, celui qui a un compas dans chaque chaussure pour changer de direction, tantôt un pied à droite, tantôt un pied à gauche, mais toujours en plein milieu comme un funambule sur le fil tendu de l’ambiguïté, c’est lui le premier ministre ! Il s’accroche comme une armoise sur le bouclier d’un centurion. À chaque chute il se relève. Mais bon sang ! Même son idole Henri IV n’aurait pas osé se présenter autant de fois à l’élection suprême !  

Le bon roi Henri a fini la tête trouée par un brindezingue ! Notre Bayrou, lui, est déjà cerné par un essaim de ravaillacs prêts à le planter dans le dos pour un maroquin. Le premier d’entre eux, c’est Emmanuel, l’opinel toujours dans la poche et le sourire toujours aussi faux qu’un sesterce en plomb. La stratégie macronienne qui consistait à semer la peur pour nazifier le RN ne fonctionne plus. À force de crier au loup, il n’est plus crédible, il agonise et entraîne avec lui tous ceux qui avaient livré leurs partis à une mort certaine.  

Le béarnais a plus d’un tour dans sa poche. C’est un macroniste de la première heure à la langue bien pendue. Il connaît son acolyte, il sait qu’il a la manie de te planter en douce, et quand tu te rends compte que tu saignes, il te tend un mouchoir pour essuyer les larmes, qu’il dit.  Mais le vieux béarnais connaît la chanson, on dit  même qu’il a pensé le Macronisme avant même Macron. Il s’est fait poignarder par tous les partis, il porte une carapace en titane, le p’tit n’a pas intérêt à lui faire les poches.

– Tu sais ce que les runes me disent, Gwio ? Bayrou, c’est le phénix du marigot. Il ne crève jamais. Même Macron avec son couteau affûté n’arrivera pas à le tuer pour de bon. Mais bon, il y a une limite, non ? À force de danser le tango il finira bien par se casser le dos tout seul comme un vieux chêne, ou par se retrouver tout seul à danser au milieu d’un champ de bataille désert. Les vautours seront déjà à l’Assemblée prêts à se servir avant de servir, et à piquer abondamment dans la gamelle de la République aux frais du contribuable. 

Quant à Bayrou, il a de quoi tenir encore quelques banquets. Et même si le coup de Jarnac devait le frapper, il pourra toujours se dire qu’il est le dernier à avoir cru à cette foutue idée de l’union. Et tandis que les autres s’empiffrent, lui, rêvera encore à Henri IV…  ça force le respect ou… la pitié  

Le barde du Torchis

dessin de Alex Rohanne

Partager cet article :

Facebook
Twitter
LinkedIn