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Budget de l’État : à la recherche de 60 milliards !

Le gouvernement Barnier est à la recherche de 60 milliards d’euros pour boucler son budget 2025.

Une fois de plus, les fonctionnaires sont devenus la variable d’ajustement préférée de nos ministres soutenus par un certain nombre de crétins persuadés qu’il y a trop de fonctionnaires, qu’ils ont trop d’avantages et qu’il serait enfin temps d’avoir un pays sans fonctionnaires !

Il est bien évidemment facile de ressortir toutes les vieilles lunes qu’on entend et lit à chaque crise budgétaire et d’avancer des chiffres invérifiables qui n’ont pas du tout la même portée selon le pays dont on parle. Ceux qui se plaignent d’un nombre trop important de fonctionnaires sont bien souvent les mêmes qui râlent parce qu’il n’y a pas assez de policiers, d’infirmières à l’hôpital ou de juges dans les tribunaux. Les comparaisons à l’international sont souvent impossibles car l’on compare vite des choses incomparables ! 

Les chiffres bruts du nombre de fonctionnaires cachent souvent des réalités diverses d’un pays à l’autre, du fait même de la géographie ou de l’histoire du pays. Ainsi, d’aucuns affirment que la France compte plus de fonctionnaires que l’Allemagne. C’est tout autant vrai que faux ! Exemple : la France compte 16 000 douaniers contre 42 000 en Allemagne ! Pourtant, l’Allemagne a beaucoup moins de kilomètres de frontières tierces et surtout, n’a pas de départements d’outre-mer ; en revanche, les missions sont plus vastes en Allemagne et englobent notamment le travail illégal.

Ceci dit, en y regardant d’un peu plus près, on constate que la fonction publique d’État et la fonction publique hospitalière seraient plutôt en manque d’effectifs alors que la territoriale apparaît bien mieux pourvue en effectifs, certains faisant souvent doublon entre communes, communautés de communes et départements même si les élus locaux s’en défendent. Par exemple, la ville de Strasbourg et l’Eurométropole comptent environ 8000 fonctionnaires ; la ville de Biarritz (26 000 habitants) totalise 900 agents ! Sans aller jusqu’à dire que certains se tournent les pouces, je reste persuadé qu’il y a des économies de personnel à réaliser. 

On vient d’inaugurer la « Maison du Pays Rhénan » à Drusenheim, vitrine de la Communauté de communes du même nom. Une strate de plus d’un mille-feuille dans lequel les mairies sont déjà bien dotées et une structure (bâtiment, fonctionnement, logistique) qui a certainement un coût démesuré. On pourrait évoquer aussi le financement d’une myriade de comités Théodule en tous genres et autres associations subventionnées et truffées de contractuels qui nous plombent la facture.

Et plutôt que de s’en prendre au nombre de fonctionnaires, à leurs salaires ou à leurs jours de maladie, on ferait bien de se pencher tout d’abord sur le fonctionnement et le coût des services publics.

A ce sujet, nous avons pu nous entretenir avec M. Muller qui dirige un service administratif de l’État dans une ville moyenne du Bas-Rhin.

M. Muller : « Je ne peux que déplorer que le gouvernement s’attaque une nouvelle fois au nombre de fonctionnaires alors que, dans les services de l’État, de nombreuses administrations sont déjà sur l’os en matière d’effectif. Là je me trouve dans une situation critique pour pouvoir fonctionner : entre des départs non remplacés, des départs à la retraite dans les prochains mois, un congé de maternité, cela devient très compliqué étant précisé que nous devons concilier contrôles sur le terrain et présence minimale au bureau pour la réception du public ! 

Étant présent ici depuis de nombreuses années, je peux vous révéler que notre effectif a été réduit de moitié en 20 ans. Bien évidemment, des procédures ont été simplifiées et dématérialisées, pas toujours dans l’intérêt financier de l’État d’ailleurs, mais les missions principales en souffrent forcément même si, grâce à l’engagement et à l’esprit d’équipe de mes collaborateurs, le service rendu au public est assuré tant bien que mal. Pendant le confinement du covid, le service était assuré pour que le pays continue à tourner;  mais maintenant les fonctionnaires sont considérés par certains comme des boucs émissaires…

Je cite toujours l’exemple suivant à ceux qui tapent sur les fonctionnaires : en cas d’accident, les services de secours sont des fonctionnaires, les policiers sont des fonctionnaires, ceux qui barrent la route et la remettent en état sont des fonctionnaires, ceux qui accueillent et soignent les blessés à l’hôpital sont des fonctionnaires…CQFD

Ceci dit, de par ma longue expérience, plutôt que de réduire le nombre de fonctionnaires, je vois de nombreuses pistes d’économies dans le fonctionnement même des services publics et je vais vous donner quelques exemples. Plutôt que de toucher aux jours de maladie des agents, on peut réfléchir à d’autres pistes peut-être pas spectaculaires mais qui, une fois additionnées, donneraient des économies substantielles.

Avec les 35 heures, de nombreux services publics sont restés sur un temps de travail hebdomadaire de 38h30 ce qui génère de nombreux jours d’ARTT. On s’aperçoit que beaucoup de fonctionnaires ne prennent pas la totalité de leurs jours de congés et d’ARTT. Certains peuvent les mettre sur un compte épargne temps, d’autres, dont le CET est au maximum, ont la possibilité de revendre leurs jours non pris ; l’État rachète par conséquent les jours de congés à ses agents !!! Aberrant bien sûr. Et ça devient une dépense conséquente pour l’État. Il suffirait de dire que les jours non pris sont perdus…

Depuis deux ans, pour favoriser les modes de déplacement non polluants, on verse 300 euros par an aux agents qui viennent travailler à vélo ou autres deux roues électriques. Ceux qui habitent loin et qui n’ont pas d’autre choix que la voiture, eux paient plein pot leur déplacement. Et je ne suis pas sûr que tous les versements de cette prime soient vraiment justifiés, la déclaration étant sur l’honneur…

Dans le cadre de la démarche « bien être au travail », des crédits ont été alloués à des journées de cohésion ou pour l’achat de vélos d’appartement, jacuzzis et autres dérivatifs farfelus de ce genre !

Le coin repas de mon service a été rénové. Ok, c’est bien pour les agents qui déjeunent au bureau. Mais lorsque l’on voit les sommes dépensées par les services sociaux pour l’équipement, ça laisse interrogateur par rapport à l’utilisation réelle. Et encore, grâce à mes réseaux personnels, j’ai pu faire baisser la facture pour l’installation de la cuisinière par un artisan de ma connaissance.

La politique des centrales d’achat de l’État ou des marchés nationaux de prestations est à revoir totalement. D’ailleurs une mission d’enquête parlementaire se penche actuellement sur la question. En passant par l’UGAP notamment, on paie les fournitures de bureau plus cher qu’au supermarché du coin !

Il en est de même pour l’achat et l’entretien des véhicules ou pour l’approvisionnement en carburant. Pour une simple vidange, on me fait faire 350km pour la faire effectuer par le garage de l’administration plutôt que par le garagiste voisin !

La gestion du parc informatique pourrait également être plus rationnelle. Les remplacements d’ordinateurs pourraient être moins fréquents.

Un certain nombre d’agents bénéficient d’un smartphone fourni par l’administration. Je ne suis pas convaincu que ce soit toujours nécessaire. Le mien, par exemple, ne sert à rien puisque je me sers en priorité de mon smartphone personnel. Tous ces téléphones et abonnements représentent un coût énorme que l’on pourrait aisément réduire.

Allez, une petite dernière pour la route. Mon service dispose d’une machine à affranchir alors que nous postons en moyenne encore deux lettres par jour. Compte tenu de cette utilisation minimaliste, l’encre a le temps de sécher et les cartouches sont mises au rebut après 20 % d’utilisation ! Dans le même temps, la Poste propose un service d’affranchissement beaucoup moins cher au final. J’ai proposé cette solution à plusieurs reprises à mon administration sans succès.

Comme vous pouvez le constater, des économies peuvent être faites dans le fonctionnement sans que les agents n’en pâtissent. Dommage que nos ministres et hauts fonctionnaires aient une telle méconnaissance du terrain.

Comme vous avez pu le constater, à votre grand étonnement certainement, au vu du témoignage de M. Muller, des pistes d’économie dans les services publics qu’ils soient d’État, hospitaliers ou territoriaux, il y en a à débusquer avant de s’attaquer aux fonctionnaires eux-mêmes qui n’y sont pour rien et qui subissent simplement la mauvaise gestion de leurs dirigeants.

Et si cela permettait de donner davantage de moyens pour traquer la fraude fiscale par exemple, on n’aurait peut-être plus 60 milliards à trouver pour équilibrer le budget de la nation…

Marc Assin

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