Je pourrais être conteuse d’histoires d’hommes et de femmes amoureuses.
Je ne le suis pas.
J’ai choisi un banc, sur le rebord du monde.
J’ai déposé dans mes poches des légendes de baisers comme on entasse de vieux chewing-gums oubliés, demeurés dans leur papier.
Elles sont belles, ces légendes réelles. On finit toujours par les comprendre, ces promenades d’amour et de torture, par savoir pourquoi elles sont advenues, sublimes et dures.On finit par déchiffrer ce que dieu voulait, où nous devions aller.
Elles ont toujours un Sens, au-delà de leur non-sens, et même de leur sens interdit, des sens interdits.
Pourtant, en voici une qui n’a pas été vécue, qui n’a pas été vaincue, qui n’a pas été transcendée, qui n’a pas été dépassée.
En voici une qui n’a pas été comprise.
C’est une vieille histoire que j’ai conservée dans un vieux tiroir. Je me disais que je finirais par l’oublier.
Il était loin, au pays des rêves.
Il était beau, comme un héros.
Il était désirable, château de sable.
Il était jeune, quelle tristesse.
Il était marié, fin de l’ivresse.
Elle ne l’a jamais approché. Il y a des montagnes qu’il ne faut pas escalader et on le sait.
Elle lui a dit qu’elle se moquait de lui pour qu’il l’oublie. Et elle est partie.
Pourtant, il ne l’a pas oubliée. Elle ne l’a pas oublié. Il n’a pas l’intention de retourner la chercher. Elle n’a pas l’idée de retourner le chercher. Ils demeurent chacun sur leur colline, à compter leurs moutons, berger, bergère, à chanter leurs comptines.
Et moi, vieux conteur des plaines et des déserts, j’essaie de lire dans les mystères de l’univers …
Pourquoi se sont-ils croisés, en pensées, pourquoi ont-ils senti et éprouvé, pourquoi n’ont-ils pas oublié ?
L’océan danse pour les navires et les pirates. La lune tourne pour les terres rondes ou plates.
Les champs sustentent le monde. Et les patates.
Mais ….
Quel est le Sens d’un mot que personne n’a le droit de prononcer, jamais ?
© Martine Benz