Je me souviens de cette voisine qui me gardait parfois après l’école et qui avait des photos d’Alain Delon, punaisées au mur de sa cuisine. Elle me servait toujours le même goûter : un verre de « Tang orange » et trois carrés de chocolat, dans un quart de baguette de pain. Je mangeais en silence, je faisais attention de ne pas faire tomber de miettes sur la table, parce que j’avais l’impression qu’IL me regardait et qu’Il avait l’air sévère.
Un jour, je lui avais demandé « mais il existe vraiment ce monsieur ? ». Elle avait levé les yeux au ciel et m’avait expliqué qu’il était un acteur très célèbre et que, quand je serai plus grande, je pourrai voir ses films à la télévision. J’avais continué à manger en silence et je n’avais pas répondu.
Ce n’était pas la première fois qu’elle me racontait des histoires et j’avais beaucoup de mal à croire que quelqu’un de pareil puisse exister « en vrai ».
Quelques années plus tard, dans un devoir de vocabulaire, le prof de français nous avait demandé de chercher le maximum d’adjectifs pour qualifier quelqu’un de « beau ». Joli – séduisant- attractif – agréable, etc.
Dans ma liste, j’avais noté : Envoûtant – fascinant – magnétique. C’est ce dernier adjectif qui me plaisait le plus : « Qui exerce une attraction forte et mystérieuse ».
J’avais eu une bonne note.
J’avais pensé aux photos, sur le mur de ma voisine.
Nathalie Bianco