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Nez cassé et gueule de bois, la France en décomposition

Le pessimiste a un avantage sur l’optimiste, il ne connaît ni la gueule de bois, ni la désillusion de la défaite, ni l’amertume de la trahison. Il peut sembler défaitiste aux yeux des enthousiastes qui se réjouissent toujours trop tôt, mais il est le plus souvent habité d’une forme de réalisme qui confine à une gravité prophétique ; il se tient loin des pronostics triomphants des autres, se résigne aux scénarios les plus sombres et ne croit jamais aux miracles. Il est juste rompu à la nature humaine, aux calculs maléfiques des uns et à la béatitude idiote des autres, aux coups bas de la vie et ne fait aucun plan sur la comète. Peut-être espère-t-il secrètement une bonne surprise, mais il ne sera pas confronté à la déception qui naît des espoirs perdus.

Je dois l’avouer, la douche ne fut pas seulement froide, elle fut surtout douloureuse. Elle eut sur les quelques onze millions de patriotes confiants, l’effet d’un violent coup de massue sur le visage. Mais surtout elle fit entrevoir aux naïfs que nous étions, les limites de nos institutions et la versatilité de l’opinion, sa docilité et sa soumission à des consignes bassement électorales. Enfin elle fit surgir instantanément devant nos yeux, comme dans un train fantôme, le visage hideux d’une gauche aux visées destructrices, de même le précipice dans lequel elle s’apprêtait à nous jeter. L’optimiste que je pensais être a déchanté l’espace d’un graphique sur mon écran.

La dernière montée d’adrénaline passée, la consternation puis la résignation finissent par s’installer, mais on sent que le choc de la surprise va se propager dans les esprits encore quelque temps, un trauma pour les instituts de sondage, français en particulier ! Pour l’heure, il est question de démêler le sac de nœud que Macron nous a préparé pour l’été, conscient du risque inconsidéré que son trait d’humeur le soir des européennes allait faire prendre au pays, soit par minimisation des conséquences de son acte sur la stabilité des institutions, soit par pur machiavélisme, option qui ne fait aucun doute chez la plupart des commentateurs. On s’inquiète du blocage, inévitable au vu des résultats, soit. Mais il y a pire. Et le pire, ce serait la formation d’un gouvernement issu du NFP (et en son sein des députés Insoumis) qui, pour le coup compromettrait nos chances de survie économique, sociale et morale, en tout cas vu d’ici. Passons sous silence les effets dévastateurs des fractures dans la population dues à des mesures économiques et fiscales surréalistes, à la réorientation d’une politique étrangère, à une accélération et une intensification des flux migratoires, à un détricotage méthodique des réformes mises en place précédemment, le tout sur fond de menace insurrectionnelle avec des appuis syndicaux, et bien sûr sans la moindre concession. Binet ou Rima dans les instances du pouvoir, non merci. Tels sont, pour partie seulement, les contours du chaos annoncé, au moins pour l’année qui vient, à supposer même qu’un résultat similaire lors des législatives de 2025 ne vienne confirmer un basculement à gauche, qui signifierait la fin de nos espérances. Seule la censure d’un tel cabinet pourrait nous en préserver.

Mais ce basculement, diront les optimistes dont je ne suis plus, masque mal une anomalie bien française. L’invisibilisation du RN, son exclusion assumée par ses adversaires -à savoir l’intégralité des autres partis représentés- des débats et de toute perspective de négociation en vue d’une majorité de coalition, voilà, une fois encore, l’obstacle majeur à son accession au pouvoir. D’ailleurs, il y trébuche toujours y compris lorsqu’il est donné gagnant. On en connaît les raisons, on en connaît la mécanique, on en connaît le vocable, barrage, cordon, héritage, histoire… 

En revanche la mise à l’écart d’un simple geste de la main d’un tiers des électeurs doit interpeller au-delà de la place laissée au RN dans le jeu des alliances, sur un bafouement démocratique avéré et, plus largement encore, sur la réalité des enjeux de civilisations qu’aucun autre parti n’a osé aborder au moment de la campagne. Car comment une carte amputée d’un tiers sur sa droite saurait-elle traduire les tendances d’opinion des Français avec exactitude, sauf à décider que onze millions de citoyens, faute d’avoir voté du bon côté sont tenus à l’écart de la chose publique, et sortent de facto du sacro-saint « champ républicain » ?

On le sait, la seule vraie consigne était claire : suivre les conseils avisés de sportifs, de chanteurs, écouter les menaces des syndicats, les avertissements des magistrats, les mises en garde de collectifs de soignants, de fonctionnaires, de conducteurs, de professeurs, de penseurs ou d’historiens, venus nous réciter avec l’aplomb qui sied aux ignares, leur immense savoir historique, comme à chaque fois que les Français se rendent aux urnes, bref faire tout son possible, y compris s’entendre comme larrons en foire avec ses ennemis du moment pour que jamais « l’extrême-droite » ne s’invite sur la photo, et que cette mythologie fallacieuse l’emporte toujours sur le constat du réel et l’évidence des diagnostics. 

Qui ici est légitime à affirmer que voter RN, c’était voter du mauvais côté, et que seule la gauche actuelle, malgré ses dérapages fascisants et ses outrages à répétition, incarnerait à jamais le camp du bien ? 

Voilà un ancrage à déboulonner en urgence, car plus que jamais ce sont bien deux France prêtes à s’affronter, qui se font face aujourd’hui.

Nestor Tosca

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