Regarder le film de Netflix sur les requins, c’est un peu comme regarder la télévision un soir d’élection. On est partagé entre sidération, amusement, trouille et incrédulité.
La bande son est à peu près la même : “Aaaaah noooooon ! Nooooon aaaaah ! Oh mon dieu nooooon !” mais globalement, je crois que Jean François Copé est meilleur acteur que l’ensemble du casting de « Sous la Seine ».
Je ne vous fais pas un résumé de la soirée électorale, c’est un aquarium peuplé de requins bien trop déprimants, mais en ce qui concerne la série, je veux bien m’y coller.
C’est l’histoire de Sofia, une océanographe qui, au début, avec son carré ondulé, ressemble un peu à Manon Aubry. Elle est en mission dans le Pacifique avec son équipe. Les hommes de l’expédition plongent et se retrouvent face à une dame requin de leur connaissance, pas très ravie qu’on lui fasse remarquer avec aussi peu de délicatesse qu’elle a pris beaucoup de volume. Oui, elle est passée de 2 m 50 à 5 mètres en peu de temps, mais est-ce une raison pour lui piquer le flanc afin d’ “effectuer un prélèvement?” ça vous plairait vous, qu’on vous titille le gras du ventre et qu’on vous ponctionne un bout de bourrelet sans vous demander la permission ?
Froissée par tant de goujaterie, la dame requin, qui ne badine pas avec la notion de consentement, se met à boulotter un par un les membres de l’expédition. Ulcérée, Sofia-Manon Aubry plonge à son tour, sans bouteille et sans équipement et se fait entraîner dans le fond par l’animal, toujours aussi susceptible. A vue de nez, elle doit bien descendre jusqu’à 30 mètres et rester au moins 6 minutes sous l’eau, ce qui donne sûrement le temps de méditer sur le programme de LFI. Quand elle remonte, elle est très fâchée, d’autant plus qu’elle voit surgir devant elle ce qui reste de son mari, à savoir un bras. Elle comprend alors que sa vie conjugale risque d’en être sérieusement affectée et que, même avec de la créativité, ses nuits, avec pour seul partenaire un coude et avant-bras, seront bien moins extatiques.
Quelques années plus tard, Sofia a coupé ses cheveux et vit à Paris, où des activistes écologistes l’informent que Madame Requin, qui s’appelle Lilith, a élu domicile dans la Seine.
On ne sait pas pourquoi, ni comment. De toute façon, la réponse à toutes les questions, durant 1 h 30 sera « ça doit être à cause du réchauffement climatique ». Elle est facilement identifiable grâce à une balise. Pour plus de commodité, les activistes écolos eux aussi sont facilement identifiables grâce à des cheveux bleus et des bonnets péruviens.
Comme tous les jeunes «décroissants », ils vivent dans des appartements de 180 mètres carrés dans le 9ème arrondissement, éclairés à la bougie, avec des écrans géants et des appareils électroniques dans le salon. Que ceux qui prétendent qu’il est difficile de se loger dans la capitale remballent leurs préjugés : l’éco anxiété est tout à fait compatible avec les intérieurs Haussmanniens.
Les policiers eux aussi, sont facilement identifiables puisqu’ils semblent tous sortis d’un clip visant à promouvoir la diversité et le vivre-ensemble. Ils sont très jolis et très gentils, allant jusqu’à distribuer des couvertures et des livres à des SDF, eux aussi souriants et accommodants, afin de les inviter à s’éloigner un temps de la ville, le temps que se déroulent les épreuves du Triathlon. Regard de braise, barbe bien taillée, pectoraux avantageux et cul ferme, le chef de la brigade fluviale donnerait des envies de noyades à n’importe qui, pour peu qu’il s’engage à pratiquer le bouche à bouche.
Madame Requin a donc décidé de goûter aux charmes de l’art de vivre à la française, un peu comme l’héroïne de « Emily in Paris » et pour cela, elle a fait un long périple. Là encore, que les mauvaises langues qui prétendent qu’il est impossible de circuler dans la capitale en prennent de la graine : Sans trottinette, sans véhicule électrique et sans pester contre les grèves de la RATP, on peut tout à fait se frayer un chemin dans la ville, à condition de ne pas craindre de se mouiller et de ne pas être trop regardant sur le comité d’accueil. Parce que, dès lors que Lilith est repérée, le légendaire esprit revêche des parisiens refait surface et le plantureux animal doit essuyer une fois de plus moults commentaires désagréables sur son évolution physique : Oui, elle a encore grossi, oui, elle mesure maintenant 8 mètres, oui maintenant, elle s’adapte à l’eau douce et alors ? On est obligé d’attendre des milliers d’années pour évoluer ? On n’a pas le droit de pratiquer la fluidité de genre ? Non, elle n’est plus vraiment un requin, mais s’identifie à présent à une nouvelle espèce en pleine mutation. Et oui, elle est enceinte sans mâle car elle se reproduit désormais par parthénogenèse. Elle est en pleine transition, désormais tellement improbable et difficile à identifier qu’elle pourrait participer au prochain concours de l’Eurovision.
Bref, notre pauvre Lilith in Paris reçoit un bien mauvais accueil et ça l’affecte tellement qu’elle se met à becqueter tous ceux qui lui tombent sous les dents. (Que celui qui n’a jamais eu un petit accès de boulimie nerveuse sous l’effet de la contrariété lui jette la première pierre).
A la fin, elle a accouché de centaines de bébés requins voraces qui engloutissent les nageurs du triathlon comme autant de petits Apéricubes.
Malheureusement, des militaires inconséquents, en leurs tirant dessus, réactivent les centaines d’obus qui étaient sous la Seine, provoquant un tsunami et par la même occasion, la dissolution de l’assemblée nationale et de la ville toute entière (Je dois préciser ici que je ne suis pas plus responsable du scénario que du résultat des élections).
Il ne reste que l’insubmersible Sofia, qui a sauvé de la noyade le plus sexy policier de la brigade, (celui dont le ravissant petit cul est encore mieux mis en valeur dans sa combinaison mouillée). Toutefois, échaudée par son expérience façon puzzle avec son précédent mari déconstruit, elle vérifie tout de même que le beau gosse est bien entier avant d’envisager une alliance avec lui. Ouf, il est quasi complet. Il manque juste un bout de son cerveau, mais ça fait une heure et demi qu’on s’en fout. (Je vous ai déjà parlé de sa combinaison mouillée ?)
La dernière scène est à l’image du film, surréaliste : Par un heureux hasard, les deux héros qui sont les seuls survivants, se sont hissés sur le toit d’un kiosque à journaux au milieu de Paris englouti. Encerclés par les requins, qu’ils regardent hébétés, ils forment une sorte de dérisoire « front populaire » tandis que sous l’eau, les bestioles agitent leurs ailerons, sans conviction. La flemme d’être féroce. Ils savent bien, eux, qu’ils ne sont que des marionnettes creuses.
De toute façon, on dirait que personne n’en revient, de devoir jouer dans un truc aussi consternant. Pourtant, dans un mauvais film, ce ne sont pas les acteurs et les figurants qu’il faut blâmer, mais bien le réalisateur. Et là… comme dit le personnage de Quint, dans le bon vieux mythique Les dents de la mer :
« Avec celui-là je m’y perds… ou il est très très malin ou il est con comme ses pieds »
Nathalie Bianco