Chapitre 49
Surville
Surville était un très bel homme. Il était blond, avec une mèche de cheveux qui tombait sur ses yeux, et qui donnait à son regard bleu une profondeur presque enfantine, il était d’une douceur inouïe, comme si, malgré sa beauté imposante, il restait en lui une part de vulnérabilité. Sa stature, sa silhouette élancée et son visage semblaient être d’un autre temps. Il ressemblait à un viking. Il avait la grandeur d’un héros légendaire.
Il avait cette capacité rare d’être à la fois gigantesque et fragile. Chaque fois qu’il entrait dans la pièce, il semblait que le monde autour de lui s’effaçait. Il ressemblait à Eroll Flynn. Ce n’était pas une beauté arrogante, c’était quelque chose de plus subtil, de plus captivant. Du haut de mes six ans, je le regardais fascinée.
Survill n’avait pas besoin de se faire remarquer. Mais sa grandeur, sa présence étaient évidentes, même quand il restait silencieux. Il savait prendre le temps d’écouter, de sourire. Il avait une manière particulière de s’intéresser aux détails, de rendre chaque moment important. Il nous expliquait les secrets de la construction, nous montrant comment les murs et les fenêtres n’étaient pas seulement des éléments fonctionnels, mais des parties d’un tout, d’un rêve qu’il avait façonné.
Rose ne demandait rien. Le plan de la maison lui convenait, et quand elle posait des questions, Surville répondait, en transformant les simples détails pour plaire à Rose. Il y avait dans son regard quelque chose qui trahissait l’affection silencieuse qu’il portait Rose qui l’ignorait.
Je me souviens de cette époque, je trouvais tout cela si romantique. C’était comme un film en noir et blanc, où l’amour n’avait pas besoin de mots pour se dire et où tout semblait possible. Je rêvais parfois qu’un jour, Surville tomberait amoureux de moi. J’imaginais que je partirai sur son bateau viking, et que je serais la reine d’une aventure fantastique.
Tous les matins, quand Moha nous accompagnait à l’école, je scrutais ses fenêtres situées au cinquième étage de l’immeuble, d’en face. Il était là, il n’était pas parti. Il n’avait pas quitté le Maroc.
Mais un jour, il est reparti, dans son petit village français, quelque part dans un coin perdu de la France profonde d’où venaient une majorité de français, avec leur arrogance, leur esprit de conquistador et un passé qui pesait parfois lourd. Il est parti, avec une partie de mon enfance.
Il n’était pas seulement l’architecte de la maison, c’était un homme qui avait incarné, pendant un moment, tout ce qu’une petite fille pouvait imaginer et attendre du monde qu’elle découvrait. Un monde comme Surville, beau, grand et doux. Surville reste dans ma mémoire, dans l’histoire de la villa Gaby-Sylvia, comme une figure immense, magnifique, qui, un jour, a fait rêver une petite fille.
Slil