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Yelena

Chapitre XLII

Traditions ! Traditions !

Après avoir répondu à tous les rituels, les traditions et tous les codes symboliques du mariage, henné, mikvé, (bain de purification avant le mariage), houppa, kiddouch, ketouba, sheva brahot, verre brisé; respecter le départ de ceux qui partent au début des prières parce que “c’est du cinéma”, ceux qui ne veulent pas décoller et en rajoutent “parce que ça va faire plaisir au bon dieu”, et ceux qui en gardent un peu pour le devoir de transmission et pour leur bonne conscience, les mariés festoient, dansent, mangent et boivent avec leur invités. Mais la fin de la soirée ne met pas un terme à leurs obligations, ils sont soumis à une autre tradition, la dernière, avant d’être libérés délivrés pour rejoindre les étoiles qui leurs tendent les bras…

Pendant 7 jours, le couple est invité chaque soir chez des amis ou la famille pour entendre après chaque repas une des 7 bénédictions traditionnelles, accompagnées de poèmes liturgiques (piyoutim), chantés ou récités en araméen ou en hébreu qui n’ont rien de biblique et qui existent depuis la période du temple de Jérusalem.  

Une chambre d’hôtel avait été offerte aux jeunes mariées pour leur nuit de noces loin du tam-tam de la fête. Ils s’éclipsèrent non pas discrètement selon la formule censée les rendre invisibles, mais accompagnés de leur smala jusqu’au pas de la porte du Riad. Personne n’avait jamais rien su de la nuit de noces de Rose. A cette époque on ne disait pas aux copines  » C’était génial » ou « Bof »… 

Le répit était de courte durée car déjà la veille, le programme des 7 bénédictions avait été  fixé. Symine était le maître des horloges, elle avait la ferme intention de respecter les règles jusqu’au 7ème repas en dépit des protestations du jeune couple. Si elle consentait parfois à expédier le chabbat, il n’était pas question pour elle de déroger à la tradition. 

Au cours de ce séjour de mariage mogadorien, Berthold suggéra à Rose de rester à Mogador pour faire plus ample connaissance avec Joseph, beaucoup de travail l’attendait à Casablanca. D’un commun accord, le couple avait décidé qu’il n’était pas nécessaire que Berthold poursuive son travail à la Cie Sucrière Marocaine comme cela avait été prévu. Il leur paraissait bien plus judicieux de plonger rapidement dans l’aventure commerciale qui les attendait. 

Un jeune marié qui quittait si rapidement sa nouvelle épouse avait fait naître quelques commérages.Les mauvaises langues se plaisaient à se demander si le mariage n’avait pas été consommé au cours des trois années de fiançailles. Cela n’affectait pas Rose. Elle racontera:  “Je m’en fichais, je les laissais parler, ils pouvaient penser ce qu’ils voulaient, ça ne me touchait pas. » C’est ainsi qu’elle était Rose. Loin des cancans et des sujets quotidiens qu’elle considéra toute sa vie comme « des futilités,des bêtises. » Toute sa vie, Rose ne s’intéressa qu’à l’essentiel. 

Berthold lui avait demandé de ne plus travailler et de ne plus se mettre en maillot. Elle abandonna sans discuter son rêve d’industrie de broderie et renonça à se mettre en maillot au grand dam de ses sœurs et de ses cousines. Mais en réalité cette situation l’arrangeait. Elle avait encore gardé toute sa pudeur et pensait qu’elle se remettrait en maillot plus tard. Elle était davantage intéressée de trouver par quel moyen elle serait plus rentable en travaillant auprès de Barthold. Elle avait compris qu’il fallait calmer la jalousie de Berthold qui ne souffrait pas qu’on l’effleure du regard. « Il se calmera  » pensait-elle, et il se calma.  Harassé de travail et de responsabilités, le maillot de Rose n’était plus l’objet de ses pensées.

Rose se souvenait toujours avec nostalgie de son séjour chez Joseph. « C’était une masterpiece disait elle, il me traitait comme sa fille, il avait demandé au personnel d’être aux petits soins pour moi, il me poussait à sortir, à rejoindre mes camarades, il me gâtait tous les jours et me bénissait. Il était aimable et respectueux avec tout le monde. Il était bien connu à Mogador, on l’appelait Bou Hres parce qu’il portait un anneau d’or fin à l’oreille gauche.”    

 Slil

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