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Yelena

Chapitre XL

Tu me feras de la réclame

Deux mois avant le mariage, le Riad de Joseph affichait une activité incessante qui avait intrigué les voisins. Joseph avait demandé à son personnel et à son entourage de rester discrets. Il souhaitait préparer le mariage de son fils tranquillement avec l’aide précieuse de sa nouvelle épouse que Berthold appelait sa marâtre, nom commun qui désignait la deuxième épouse du père. Pour Berthold ce mot n’avait rien de péjoratif car Perla était bienveillante avec lui et se réjouissait de participer aux préparatifs de son mariage. Elle n’avait pas eu d’enfant et son union arrangée avec Joseph était, disait-elle avec modestie, un don du ciel. Joseph et Berthold rendaient à cette femme l’affection et l’attention constantes qu’elle leur portait. Au cours des années, elle s’était révélée indispensable dans la vie des deux hommes et du riad qu’elle gérait malgré la maladie de Parkinson qui l’avait privée de ses deux mains d’une manière sporadique. Perla ne vécut pas longtemps, elle mourut dix ans à peine après le mariage de Rose et Berthold. Elle disait inlassablement qu’elle avait eu la chance et le bonheur d’avoir eu une famille et des enfants, grâce à Rose et à Berthold. 

L’excitation de Joseph était à son paroxysme, il allait et venait sans arrêt comme si la noce devait avoir lieu le lendemain. Pour lui deux mois n’étaient pas suffisants pour la réalisation de la cérémonie dont il rêvait pour son fils. Il voulait par-dessus tout faire plaisir à Rose qu’il vénérait.

Le choix de Berthold le comblait, il savait qu’il pouvait compter sur la sagesse de Rose pour mener leur union vers un avenir heureux et paisible.

Il lui fallait aussi organiser la logistique de l’accueil de la famille de Rose, plus nombreuse à Casablanca qu’à Mogador. Pour se rendre la tâche plus facile, il avait demandé au transport Sebbag de tout organiser pour le déplacement d’une cinquantaine de personnes qu’il envisageait d’accueillir pour une partie chez lui, et pour l’autre partie dans leur familles respectives. Il n’était pas question de dépenser de l’argent en hébergement hôteliers ou en locations. Joseph avait fait le choix de donner l’argent des « économies » du mariage au nouveau couple.  

La Houpa serait montée par les hommes de la famille et décorée de fleurs par les femmes qui faisaient des dais de mariage des bouquets tellement condensés qu’il était quasi impossible de voir la cérémonie nuptiale. 

Rose n’avait cure de tout ce cérémonial qu’elle jugeait onéreux et inutile, une simple Houpa et un mariage plus simple auraient suffit. Le sien s’annoncait encore comme un événement exagéré. Chez Joseph et Berthold ce n’était jamais assez. Berthold avait un penchant pour l’abondance et le luxe, tandis que Rose plaidait pour le moindre coût. Rose avait du mal avec la notion de plaisir si elle n’y voyait pas d’intérêt pécuniaire. 

À Casablanca Jeannette Martinez avait donné le dernier coup d’aiguille sur la robe de mariée de Rose qui avait renoncé au tissu rose poudré. Berthold lui avait demandé de porter une robe aussi blanche que la couleur des arômes du jardin. Il était aussi attaché aux traditions que Rose et s’étonna du choix saugrenu et inattendu de Rose. En réalité, elle avait cru faciliter la tâche à Madame Martinez dont le stock de tissus regorgeait de mousseline de soie rose poudrée. 

Symine, suivait le mouvement. Elle ne s’opposait à rien. Pour elle tout était parfait tant que Rose était satisfaite. Rose, elle, s’en remis à Jeannette, qui fut très touchée de la confiance de Rose et de sa mère qui lui laissaient un libre arbitre sans restriction. Jeannette était en quelque sorte l’invitée d’honneur du mariage. Elle habillerait Rose de pied en cap. Elle savait qu’il y aurait la présence de personnalités importantes chez Joseph et ne voulait rater en aucun cas son entrée mondaine à Mogador! Elle pensait à la fin de la guerre et à une nouvelle clientèle qu’elle devait développer pour l’expansion de son activité et pour être présente dans les villes où la bourgeoisie argentée était dominante. Elle savait déjà que Rose ne travaillerait plus après son mariage et voulait la garder comme un élément précieux de communication. « Tu me feras de la réclame » lui disait-elle. 

Slil

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