Drapeau de lapin

Par 130 voix contre 109, sous l’impulsion des députés Renaissance, l’Assemblée Nationale a voté un texte visant à rendre obligatoire la présence du drapeau européen, à côté du drapeau français, au fronton des mairies de plus de 1.500 habitants. Une histoire qui serait dérisoire s’il ne s’agissait pas, une fois de plus pour la Macronie, de rappeler l’ampleur de son mépris du peuple, dont elle connaît parfaitement la rancœur persistante contre la technostructure bruxelloise prétendant incarner l’Europe. Ce texte vise à enfoncer un coin supplémentaire dans le crâne des réfractaires pour qu’ils admettent une fois pour toutes que la France n’est plus, au mieux, qu’une filiale de l’Europe, elle-même en voie de balkanisation.

Voilà donc à quoi se résume le Macronisme triomphant : faire passer les vessies progressistes pour les phares de l’Humanité en érigeant des vétilles en symboles historiques.

La politique française ressemble de plus en plus à une gouvernance de sourds-muets-aveugles pour des débiles résignés. Il y a un acharnement à ne pas voir le monde tel qu’il est, quoi qu’il en coûte.

Ce drapeau-peau de lapin est un Nième règlement de comptes avec ce peuple français qui a osé refuser le projet d’Europe fédérale, dont le pseudo – pour ne pas dire le faux – fédéralisme consiste essentiellement à soustraire des esprits ce qu’il y a de plus français en eux. (Pour les cuniculophiles, l’expression « en peau de lapin » désigne une privation volontaire par autrui, des biens essentiels).

Les politiques menées depuis l’après-guerre poussent à l’acceptation forcée, sans scrupules mais avec cynisme, d’une hydre administrative supranationale qui vise à liquéfier les nations et leur substance populaire en les livrant, en grande partie, à des intérêts principalement financiers. L’Europe doit devenir une bouillie sans culture puisque multiculturelle, avec des agents économiques déracinés donc déplaçables et corvéables à merci. Cette Europe-là sera tout sauf fédérale, elle ne sera plus qu’un résidu de laminoir pris entre le marteau américain et l’enclume asiatique.

Le plus gênant dans cette affaire, c’est qu’une fois de plus, on met les Français devant le fait accompli. En pareil cas, sans recourir au référendum, il ne serait pas illogique de prendre le pouls et de tenir compte de l’opinion du peuple, a fortiori lorsqu’il est question de symboles. Non, la complexité de l’intelligence macronienne ne peut s’encombrer de ces impédimenta ; c’est tout juste bon pour les pays sous-développés comme la Suisse. Pourquoi perdre son temps en discutant avec des sans-dents, réfractaires, alcooliques au nord et feignasses au sud (l’un n’empêchant pas l’autre, du reste).

C’est un pied de nez de plus, qui s’ajoute au camouflet infligé par Sarkozy avec le Traité de Lisbonne.

Pour le moment, l’Union Européenne n’a d’union que le nom et n’est qu’un assemblage de technocrates hétéroclites dont la préoccupation principale est la défense de leur pré-carré sous couvert de solidarité et de promesses d’avenirs communs qui n’engagent que ceux qui les écoutent. Ce ne sont certainement pas les pays qui achètent du matériel militaire américain ou qui essaient de flinguer le nucléaire français qui me contrediront…

Cet acharnement a quelque chose de symbolique, d’ailleurs pressenti par De Gaulle lorsqu’il raillait les sauts de cabri de ceux qui clamaient  “L’Europe, l’Europe, l’Europe”. Il ajoutait : « mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien ».

Il disait aussi : « Dante, Goethe, Chateaubriand appartiennent tous à l’Europe dans la mesure même où ils sont respectivement et éminemment italien, allemand et français. Ils n’auraient pas beaucoup servi l’Europe s’ils avaient été des apatrides, et qu’ils avaient pensé et écrit en quelque Espéranto ou Volapük intégrés. » On peut toujours nous répondre que le drapeau national ne disparaît pas, qu’il reste à côté du drapeau européen, ce qui est vrai. Sauf qu’il s’agit-là de faire comme si l’Europe fédérale existait déjà, ce qui n’est pas vrai.

Il y a cependant une cohérence évidente dans l’action d’un mouvement politique dont le fondateur proclame qu’il n’y a pas de culture française et qu’il faut déconstruire l’Histoire de France. En quel nom et dans quel but, sinon celui de fondre la France et tout ce qu’elle représente dans un vaste ensemble aux frontières floues et aux valeurs diluées ?

Il n’est pas certain que la construction de l’Europe passe, comme on veut nous le faire croire, par la destruction – ou « déconstruction », pour reprendre le jargon du bricolage progressiste – des pays qui la composent. Elle ne peut se faire sans ni contre les peuples et ceux qui, comme Cohn-Bendit, prétendent « qu’il faut cesser de dire que les peuples ont toujours raison », risquent un jour ou l’autre de se rendre compte que les peuples ont toujours raison, même quand ils ont tort. C’est ce qu’on appelle la démocratie.

O.T.

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