Biais cognitif ?

Chapitre X

« La complexité territoriale est telle en France, qu’elle paralyse le pays et l’empêche de fonctionner comme un pays moderne et décentralisé ». (Michel Naudo)

Nos élus alsaciens seraient-ils touchés par un biais cognitif amplement décrit dans la littérature sociologique, et en particulier par le sociologue Gérald Bronner dans ses différents ouvrages dont « La démocratie des crédules » chez PUF (mars 2013).

Biais de confirmation

Ce biais, appelé « biais de confirmation », consiste à avoir une tendance instinctive à rechercher en priorité les informations qui confirment sa manière de penser, et à négliger tout ce qui pourrait la remettre en cause.

Ainsi, s’ils avaient lu Gérald Bronner en mars 2013, ils se seraient peut-être rendus compte que malgré les sondages flatteurs et les déclarations optimistes, des signaux d’alerte inquiétants et largement décrits dans l’ouvrage « L’Alsace malgré elle », (Éditions de la Nuée Bleue, mai 2021), annonçaient la Bérézina à laquelle ils n’osaient croire, n’ayant jamais anticipé le fait que les Alsaciens préfèreraient aller à la pêche plutôt que de se rendre aux urnes…

La situation aujourd’hui n’est pas sans rappeler ce qu’il s’est passé il y a maintenant dix ans. Il faut noter cependant qu’il y a une différence de taille ! En effet, il y a dix ans, notre avenir ne dépendait que de nous. Nous avions imaginé un projet et celui-ci fut soumis à l’appréciation des Alsaciens lors d’un référendum. Aujourd’hui, nous dépendons uniquement du bon vouloir du législateur et du gouvernement qui, faut-il le rappeler, n’a pas de majorité au sein de l’Assemblée nationale. Autrefois nous avions notre propre destin en main, aujourd’hui nous sommes pieds et poings liés…

De quelles informations « positives » disposons-nous ? 

D’abord la création de la Collectivité européenne d’Alsace (CeA) par fusion des deux Départements alsaciens. Ensuite les déclarations de Jean Castex, alors 1er Ministre qui avait dit, lors d’une visite en Alsace, tout le mal qu’il pensait des grandes Régions. Puis les différentes propositions de loi déposées par nos parlementaires alsaciens afin de faire sortir l’Alsace du Grand-Est. Enfin l’annonce par le Président Macron d’une éventuelle réforme territoriale qui impacterait le découpage des grandes Régions. Sans oublier la consultation citoyenne du Président Bierry, véritable plébiscite des Alsaciens pour sortir du Grand Est.

Objectivement, faisons une petite analyse de ces informations :

La CEA n’est qu’un Département à statut particulier et l’Alsace a perdu ses compétences régionales. Certes cela redonne à l’Alsace l’existence institutionnelle qu’elle avait perdue en 2015 mais nullement avec la même dimension que celle imaginée en 2013 avec le Conseil d’Alsace ! De plus, il est de notoriété publique que la fusion des deux Départements n’est pas une partie de plaisir, qu’elle n’est pas achevée et que les difficultés sont nombreuses. Il conviendrait peut-être de commencer par balayer devant sa porte avant de vouloir récupérer les compétences régionales qui furent les nôtres et qui nous ont été enlevées par notre faute…

Jean Castex n’est plus 1er Ministre…

Chacun connaît le parcours du combattant d’une proposition de loi déposée par des députés surtout si le gouvernement, dont dépend sa prospérité, n’a pas de majorité au Parlement…

L’annonce de la réforme territoriale par le Président Macron a été largement commentée et le moins que l’on puisse dire, c’est que ceux qui s’en sont entretenus avec lui, n’ont pas entendu le même son de cloche s’agissant du redécoupage des grandes Régions…

Le plébiscite obtenu par Frédéric Bierry à la question de savoir si les Alsaciens voulaient sortir du Grand Est (92% de oui), est un miroir aux alouettes car ce n’est qu’un sondage d’une grande ampleur. Tous les sondages qui avaient précédé le référendum de 2013 étaient également très favorables. Le hic étant que les Alsaciens ne sont pas déplacés pour voter sur un sujet qu’ils ne comprenaient pas et que personne n’avait su leur expliquer. La situation est-elle différente aujourd’hui ?

Avec son actuelle « grande contribution », le Président Bierry demande aux Alsaciens d’imaginer l’Alsace de demain, celle qui aurait récupéré ses compétences régionales. Force est de constater que l’on explique pas plus aujourd’hui qu’hier aux Alsaciens ce que sont les compétences régionales…

Lors de son récent déplacement en Alsace, le Président de la République, s’est livré à un exercice qui s’apparente à une véritable douche froide à l’endroit des tenants d’une sortie du Grand Est. Cela fut suivi d’une multitude de réactions outrées, et d’un communiqué des parlementaires alsaciens de la majorité, pour le moins sibyllin…

Le parcours qui mènera l’Alsace à devenir une collectivité territoriale à statut particulier par retour de ses compétences régionales, est semblable à un sentier pentu envahi de ronces.

Chacun peut bien entendu voir le verre à moitié plein ou à moitié vide, mais nul n’a le droit d’imaginer que nous sortirons vainqueurs de ce combat avec des raisonnements simplistes, et en prenant les électeurs alsaciens pour des gogos avec des discours infantilisants.

La complexité territoriale est telle en France, qu’elle paralyse le pays et l’empêche de fonctionner comme un pays moderne et décentralisé.

Malheureusement il y a toujours d’autres priorités que nos décideurs feront passer avant cette impérative réforme territoriale, devenue une véritable Arlésienne…

L’Alsacien

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