Les temps changent…presque

Les historiens du futur ne manqueront pas de se pincer lorsqu’ils se pencheront sur notre époque, à condition bien sûr qu’il y ait encore des historiens et des gens qui comprendront ce qu’ils auront à dire. Ils auront sans doute un peu de mal à distinguer le monde d’aujourd’hui de celui d’hier. 

Certes, ils verront bien que les humains sont allés sur la lune, qu’ils ont créé le métavers, que le football est devenu religion, que le bipède sapiens ne se déplace plus qu’à moteur, mais ils auront beau chercher, ils ne trouveront que peu de changements dans la réalité du quotidien.

En se penchant sur notre époque et en la comparant à d’autres plus anciennes, que verront-ils ?

Ils verront qu’un terrible tremblement de Terre a anéanti d’immenses espaces allant de la Turquie à la Syrie, ouvrant une brèche qui suit la ligne de fracture entre deux plaques tectoniques. Des villes entières ont été rayées de la carte, les constructions se sont effondrées comme des châteaux de cartes pas plus solides que les bâtisses du Moyen-âge.

Ils verront, sans doute un peu surpris, qu’à l’ouest de l’Europe les personnels soignants des hôpitaux publics dissuadent les malades de venir s’y faire soigner, faute de moyens matériels et humains. Les hôpitaux publics ne sont plus en mesure de soigner les gens ni d’assurer leur sécurité. Les plus vieux sont laissés de côté, dans l’espoir qu’ils meurent vite et fassent de la place.

Les rues foisonnent de délinquants condamnés mais relâchés faute de places en prison. Ils se disputent l’espace public avec les mineurs isolés, pas plus mineurs qu’isolés. Les forces de l’ordre sont elles-mêmes, ainsi que leurs familles, menacées par ceux qu’elles sont censées appréhender. Le gendarme a peur du voleur, le voleur n’a peur de rien. La Justice a peur de tout, ou presque.

 » Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir », écrivait La Fontaine dans « Les Animaux malades de la peste». 

Le juge contemporain en a fait son viatique. Il préfère verbaliser la vieille dame qui s’affranchit de l’obligation de confinement pour aller, seule et en plein vent, arroser la tombe de son mari, plutôt que le délinquant multirécidiviste, par crainte de stigmatiser.

Des parents se privent de repas pour assurer ceux de leurs enfants. En même temps, certains adultes touchent, chaque mois, l’équivalent de 4440 SMIC pour courir derrière un ballon. En même temps, la représentation nationale refuse toujours de permettre aux étudiants de bénéficier d’un repas à un euro, car cela profiterait également aux étudiants riches. La doxa égalitariste a pris le relais de l’Inquisition.

Les animaux sauvages se rapprochent chaque jour davantage des villes et agressent les habitants : éléphants en Inde, ours au Canada, kangourous en Australie, ours, sangliers et bientôt loups en Europe.

Des gens qui ne se déplacent qu’en auto enjoignent à ces mêmes habitants de se déplacer à pied ou à vélo, au nom de causes qui les dépassent ; il s’agit d’économiser l’énergie et de sauver la planète. Jadis, on demandait aux serfs de financer des causes qui les dépassaient, de payer pour des guerres auxquelles ils ne comprenaient rien mais qui les tuaient.

En 2023, on se chauffe au bois, on ne sort plus à la nuit tombée, ne sachant pas sur qui l’on va tomber dans des rues non éclairées. On se soigne comme on peut, ou pas, on attend que ça passe. Il faut bien mourir un jour.

« Ce qui fut cela sera, ce qui s’est fait se refera, il n’y a rien de nouveau sous le soleil ».

OT

*(L’Ecclésiaste ou Qohélet)

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