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Je n’aime pas le Jazz

En invitant un « mélomane », lecteur du Torchis, à assister à la première soirée musicale organisée par le journal, je l’entendis répondre avec un air condescendant ” Le Jazz, Quelle horreur !”. 

Ce préjugé m’incite à remettre les pendules à l’heure. 

Le Jazz, aujourd’hui universel, a fortement influencé toute notre musique populaire. Ses apports sont nombreux : La forme définitive du grand orchestre par sections d’instruments (cuivres, anches et rythmique) et les arrangements par questions-réponses des sections ont été définis dans les années 1920 par Fletcher Henderson, un pianiste noir et chef d’orchestre.

Le saxophone-ténor ainsi que la guitare électrique, négligés par les compositeurs classiques, deviennent des instruments solistes et trouvent enfin leur place au sein d’une grande formation. Même la technique instrumentale a évolué grâce au jazz. 

A titre d’exemple. Le registre de la trompette en classique se limitait au contre-ut. Louis Armstrong grimpait au début des années 30 jusqu’au contre fa et ses suiveurs jusqu’au double contre-ut, soit une octave de plus au-dessus de la tessiture des méthodes classiques. 

On oublie que les danses populaires comme le Charleston, le Fox-Trot, le Boogie, le Madison, le Twist et bien d’autres ont été créées sur des rythmes nouveaux de la musique négro-américaine. 

Les  bluesmen comme Arthur Big Boy Crudup ou l’altiste Louis Jordan, furent à l’origine du Rock ‘n Roll, Elvis Presley a copié le déhanchement sur scène de Wynonie Harris, son premier succès fut la reprise du blues d’un vieux chanteur du Mississippi. Elvis Presley gagna un prix de 1000 $, une somme à l’époque qu’il conserva, mais il remit néanmoins le trophée de sa victoire, une plaque sans valeur, au compositeur. 

La chanteuse Ma Rainey, chantait déjà du Rap en 1923, et de nombreuses vedettes ont fait leur classe dans le jazz : Henri Salvador, Sacha Distel, Jean Ponty, pour ne citer que ceux-là. 

L’influence du Jazz dans la musique classique du XXème siècle se retrouve dans la polyrythmie ainsi que dans l’harmonie. Un compositeur classique, à la vue des arrangements de Duke Ellington, s’est exclamé : «Cela défie la théorie et pourtant cela sonne magnifiquement ». 

Les Jazzmen sont des musiciens accomplis, capables d’interpréter parfaitement des œuvres classiques, mais l’inverse n’est pas possible. L’enseignement du conservatoire forme le musicien à la maîtrise de son instrument et en fait un parfait lecteur. La connaissance de l’harmonie reste une option que beaucoup ne choisissent pas. Le Jazz ajoute à la pratique instrumentale le savoir harmonique et ses enchevêtrements indispensables à l’improvisation. 

Musiciens complets, les Bill Evans, Keith Jarrett, Wynton Marsalis, ont tous enregistré des chefs-d’œuvre du répertoire classique, salués par la critique. Je ne connais aucun disque de jazz, digne de ce nom, réalisé par des musiciens classiques. Le Jazz est une musique sérieuse, difficile, et j’invite les sceptiques à découvrir sa richesse et sa diversité.

Le Torchis pourrait organiser des soirées d’initiation avec une courte introduction de son histoire, suivie d’une projection de films d’époque puisque nous avons la chance d’avoir à Strasbourg Léon Terjanian, un collectionneur possède des centaines de documents de musique afro-américaine. 

« Le Cinéma et le Jazz sont les deux seules formes originales d’art, que l’Amérique a données au monde.» (Clint Eastwood)

Cole Porter

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