Responsabilités

« La bureaucratie est un mécanisme par lequel une personne est confortablement coupée des conséquences de ses actes ».

Nassim Nicholas Taleb

Nassim Nicholas Taleb est l’un des essayistes les plus influents. Ancien trader devenu écrivain, il a publié Incerto, un essai philosophique sur l’incertitude en cinq volumes, Le Hasard sauvage, Le Cygne noir, Le Lit de Procuste, Antifragile et Jouer sa peau.

Des enseignements tirés de ces livres pourraient trouver des applications notamment dans la société française.

La bureaucratie, le système éducatif et les technocrates produisent des normes qui fragilisent la société française. Les gouvernements répètent à volonté et quel qu’en soit le sujet « on va protéger les français… ». 

L’omniprésence de l’Etat français dans la vie quotidienne, son interventionnisme à chaque crise pour en atténuer les effets sont générateurs de fragilités : cela ne fait pourtant pas partie de ses missions régaliennes, son interventionnisme est imparfait et qui plus est, il n’en a pas les compétences. Nassim Taleb définit le concept d’antifragilité par rapport à la fragilité. « La fragilité – qui manque d’une définition technique – pouvait être définie comme ce qui n’aime pas la volatilité; et ce qui n’aime pas la volatilité, n’aime pas le hasard, l’incertitude, le désordre, les erreurs, les pressions, etc. L’antifragilité n’est pas synonyme de solidité. Ce n’est pas le fait de ne pas se casser, mais de sortir renforcé des chocs. C’est le contraire de la fragilité. » (sic).

Les dépenses publiques à près de 60% du PIB sont devenues un fardeau pour le pays. Ça n’est certainement pas le modèle d’organisation préconisé par Nassim Taleb pour qui « small is beautiful ». Ce qui est grand devient fragile et ne tolère plus les chocs. Les firmes qui survivent sont généralement de taille moyenne. Le succès économique de l’Allemagne, avec les PME du Mittelstand en témoigne. 

Il défend la décentralisation politique, organisation antifragile puisqu’elle cantonne les erreurs au niveau local. La centralisation fragilise les systèmes.

Un autre de ses principes est de mettre une date d’expiration aux institutions : le problème est que ces institutions ne « jouent pas leur peau » : elles subsistent, même quand elles font des erreurs. L’artisan et l’entrepreneur jouent leur peau à l’inverse des managers et des bureaucrates. Par exemple, un restaurateur court le risque de la faillite. Jouer sa peau consiste à prendre part aux préjudices d’être pénalisé si quelque chose tourne mal.

Par ailleurs, dans son livre Jouer sa peau, Nassim Taleb invente deux caractères fictifs, Fat Tony et Dr John. Fat Tony est un gamin de la rue tandis que Dr John, titulaire d’un doctorat de Physique, travaille comme actuaire. Dr John pense dans le cadre, Fat Tony nie l’existence du cadre. 

Autrement dit, les bons élèves sont incapables de sortir du cadre. Nassim Taleb ajoute qu’ « Il y a une qualité stérile et obscurantiste qui est souvent associée avec les connaissances scolaires qui se mettent en travers d’une compréhension de ce qui se passe dans la vie réelle. ».

Pour faire face à l’inédit, il faut donc absolument être capable de remettre en question une règle évidente. Autrement dit, si tout va bien, tout va bien. Mais le propre des cygnes noirs étant précisément de provenir hors du cadre, limiter sa pensée au cadre expose tôt ou tard à l’un d’entre eux.

La « consanguinité » des dirigeants politiques et des hauts fonctionnaires aux profils interchangeables (ENA, X-Mines…) ainsi que leur irresponsabilité pose des problèmes. Les organismes publics devraient être tenus de publier les hypothèses et le raisonnement sous-tendant leurs politiques. Pour plus de responsabilité, pour un discours public plus constructif et pour revoir immédiatement les décisions prises lorsque les hypothèses sont erronées.

L’exemple le plus frappant concerne la décision de réduire la part de l’énergie nucléaire : quelles furent les bases scientifiques ayant motivé une réduction du risque ? Quels étaient les natures des risques ? Comment furent évaluées les conséquences des fermetures d’un certain nombre de centrales ?

Peut-être que pour être capable de faire face à d’éventuels cygnes noirs, nous solliciterons davantage au pouvoir ceux qui joueraient leur peau.

Ainsi, si nos dirigeants étaient plus proches de Fat Tony que du Dr John, nous pourrions être rassurés face à la montagne des défis auxquels la France sera confrontée au cours des prochaines années : crise énergétique, crise économique, crise sociale etc.

La France n’est pas le seul pays à être dirigé par des bureaucrates et des politiques originaires des mêmes écoles, fabriques au prêt à penser homogène. Demeurent quelques exceptions notables avec la Suisse (pays décentralisé) et Singapour (cité-Etat). 

Donald Duck

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