Italie- Allemagne : prochaine crise de la zone euro ?

Le pays se dirige vers de nouvelles élections cet automne après la chute du gouvernement de Mario Draghi. Des sondages donnent une victoire du parti Fratelli d’Italia, situé à la droite de la Lega de Salvini, à la tête d’une coalition de droite avec la Lega et Forza Italia d’Il Cavaliere.

Cette coalition dirigera vraisemblablement le pays avec comme premier ministre possible, Giorgia Meloni, chef des « frères » et ancienne ministre de Berlusconi.

Ironie de l’histoire, à l’automne 2011 en pleine crise des dettes souveraines de la zone euro, Berlusconi a été poussé dehors par Bruxelles, l’Italie voyant les taux à 10 ans à plus de 6%. Il sera cette fois-ci, faiseur de roi et membre de la coalition. Il se murmure même que le « deal » lui réserverait la présidence du Sénat.

La hausse des taux d’intérêts posera des problèmes au pays. La dette publique se situe à plus de 2700 Mds€, soit 150% du PIB. En 2023, le pays doit renouveler près de 300 Mds€ de bons et d’obligations du trésor. Le montant pour l’année 2024 est proche de 255 Mds€. Le secteur bancaire du pays est en crise depuis plusieurs années, le ratio actuel de prêts non performants est à 6,5%.

N’oublions pas que les dettes de l’Italie au sein de TARGET2* ont explosé à plus de 600 Mds€ (30% PIB).  

Une crise de l’euro, surtout si l’Allemagne ne veut plus sauver les pays du sud, est à prévoir : les germes de la crise sont présents avec la BCE qui réduit sa planche à billets et la hausse des taux d’intérêts qui va rendre très coûteux le renouvellement et le service de la dette italienne.

Ces jours-ci, les spreads de taux à 10 ans s’écartent aussi bien avec l’Allemagne qu’avec ses pairs (Espagne, Portugal). Cet écartement avait été important en 2011, à plus de 5%, mais grâce au fameux « whatever it takes » de Mario Draghi (alors patron de la BCE) la situation avait pu nettement s’améliorer.

Actuellement, la faible et tardive réaction de la BCE en comparaison de la Réserve Fédérale a permis au dollar de s’apprécier massivement. L’euro a atteint la parité avec le dollar. L’inflation de la zone euro est élevée à environ 9%. Une grande partie de l’UE est en proie à la stagflation. 

Alors que l’inflation monte en flèche, la croissance des trois plus grandes économies – l’Allemagne, la France et l’Italie – a ralenti ou stagné. La France a réussi à se faire oublier des unes des médias malgré une économie chancelante et une dette publique proche des 120% du PIB.

La Deutsche Bank estime que l’Allemagne subira une forte récession en cas de rationnement de gaz. L’industrie allemande subira fortement les rationnements, notamment la chimie avec son géant BASF. Les effets se propageront à l’ensemble des chaînes de valeurs et aux autres pays européens.

Sinischa Horvat, le chef du comité d’entreprise de BASF, dresse un scénario dramatique. « En cas d’arrêt des livraisons de gaz, certains types de précurseurs chimiques n’entreraient plus dans la chaîne de production, on parle de substances chimiques pour les médicaments, l’alimentaire, l’automobile, tout ça disparaîtrait. Ça veut dire que les produits finaux disparaîtraient et on parle de nombreux produits ». 

Une vision de cauchemar pour l’Allemagne. Car au-delà de BASF, ce sont des pans entiers de l’industrie qui seraient menacés. En cas d’arrêt complet des livraisons de gaz russe, le PIB chuterait de 12,7%, 5,5 millions de salariés se retrouveraient sur le carreau, selon une étude que vient de publier l’institut Prognos.

Thomas Mayer, l’ancien chef économiste de la banque vient même de critiquer l’action de la BCE : « Depuis près de 10 ans, la BCE mutualise les dettes publiques à son bilan, et cela semble n’avoir aucune conséquence. Mais maintenant, nous pouvons tous en voir les effets avec la hausse de l’inflation et la baisse de l’euro. La BCE ne peut plus le dissimuler. Ce que le peuple allemand craignait depuis longtemps est en train de se produire : l’union monétaire dégénère en une communauté de la dette. »

L’Allemagne va être confrontée à un choix cornélien : continuer la mutualisation des dettes et sauver l’euro ou préserver son économie et l’épargne de ses retraités. L’avenir de l’euro est entre les mains de l’Allemagne, dans un contexte de fragmentation de la zone euro. 

TARGET2 (TransEuropean Automated Real-time Gross settlement Express Transfer system) permet le règlement de transactions financières entre banques commerciales situées dans des pays différents de la zone euro via un système de compensation entre les banques centrales nationales (BCN) et la Banque centrale européenne (BCE). 

L’ensemble de ces transactions s’accumulent en termes nets sous la forme de soldes qui figurent à l’actif ou au passif de chaque BCN. Les soldes TARGET2 sont donc le reflet comptable des relations économiques et financières transfrontières impliquées par la liberté de circulation des capitaux en zone euro.

Donald Duck

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