De l’Afghanistan à l’Ukraine

Nos statues continuent de tomber les unes après les autres. Le 3 mars, le tribunal administratif de Poitiers a ordonné à la commune de La Flotte-en-Ré, sur l’île de Ré, le déplacement d’une statue de la Vierge située sur le domaine public. Cette commune a six mois  “pour procéder à l’enlèvement du domaine public communal de la statue de la Vierge Marie. »

Pour les laïcards et la justice, cette statue est trop genrée ! Pourtant elle n’a pas un caractère uniquement et totalement religieux. Une famille la confectionna en 1945 après le retour d’un père et de son fils de guerre. Donc trop patriote, trop française : tous ces qualificatifs à déconstruire.  

La population de l’île est unanime pour considérer que la statue fait partie de son patrimoine historique, au même titre qu’une statue de roi ou de Napoléon.  La mairie de Marseille a fait de même en effaçant sur ses cartes de vœux la statue de « la Bonne mère ». Les seize carmélites de Compiègne ont été guillotinées pour leur foi pendant la Terreur de la révolution française : aujourd’hui, rien n’a changé.  J’ose le mot : la connerie laïcarde française est une maladie congénitale !

Aussi, vers quel symbole se tourner pour honorer le combat des femmes ? 

En dehors de toutes les abjections visant à infantiliser, minorer, humilier la femme dans nos sociétés modernes : mariages forcés de gamines, excision criminelle, voile obscurantiste qui ramène une croyante à un rôle de procréatrice, féminicide récurrent,

Je propose deux femmes exemples : L’Afghane et l’Ukrainienne. 

Toutes deux sont l’objet sous nos yeux d’exactions et de crimes contre l’humanité. 

La femmes Afghanes : l’abandon de l’Occident

Lâchement, l’Occident a abandonné les Afghanes aux mains de l’islamisme rétrograde : très impliqué pour l’éducation des jeunes filles en Afghanistan avec la construction de deux écoles mixtes,  je suis effondré par l’assassinat par les talibans de Frozan Safi, conférencière universitaire à Mazar-i- Sharif, avec ses trois amies. 

Par la mutilation et le meurtre de la policière Banu Negar devant son époux et ses enfants à Ghor. Par l’exécution de la jeune Nazamin, âgée de 21 ans, au prétexte qu’elle portait une tenue « inappropriée ». Rappelons que la jupe est interdite dans la plupart des quartiers hors contrôle de la République française : similitude ?

Selon le rapport de la mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan, entre 2010 et 2021, plus de 3 500 femmes furent tuées… parce qu’elles étaient des femmes. Dont près de 400 en 2020. Après nous avoir crus, les Afghanes sont touchées par l’abandon de l’Occident : meurtres, blessures et violences sexuelles.  En outre l’analphabétisme, elles sont les principales victimes de ce bradage qui leur interdit la jouissance de l’éventail des droits de la personne, y compris la liberté de mouvement et l’accès à l’éducation, aux soins de santé et à la justice, et le droit de ne pas être victime de discrimination fondée sur le sexe ou le genre. L’accusation talibane classique  est la « conduite immorale ».

Dès leur arrivée au pouvoir, le 15 août 2021, les talibans ont cherché à se présenter comme étant plus tolérants que ne le laisse croire leur réputation justifiée. Lors de leur première conférence de presse tenue le 17 août 2021, ils ont déclaré catégoriquement que  « nous respecterons les droits des femmes, mais dans le respect des normes de la loi islamique». Allah est grand !

Comme prévu, mis à part les meurtres, la brutalité et la répression continuent d’être signalées. Le 8 septembre, lorsque de nombreuses femmes descendent dans les rues de Kaboul pour réclamer l’égalité des droits et la participation des femmes au gouvernement. Elles sont fouettées et battues avec des matraques électriques par les talibans. Des dizaines de femmes sont enfermées dans le sous-sol de la banque Azizi pour les empêcher de rejoindre les manifestants. 

Le 25 août 2021, Nahid Bashardost, journaliste de l’agence de presse indépendante Pajhwok, est battue par les talibans alors qu’elle faisait des reportages près de l’aéroport de Kaboul. La liberté de la presse islamiste est ainsi résumée par les talibans de la province de Ghazni visitant la station de radio : « Vous êtes une station de radio privée. Vous pouvez continuer, mais sans voix de femme et sans musique.» Zan TV (“Woman TV”) and Bano TV (“Mrs TV”) ont cessé toutes activités depuis le 15 août 2021. 

Malgré les engagements pris par le porte-parole taliban,  Zabihullah Mujahid, selon lesquels les femmes pourraient « retourner au travail dans quelques jours », aucune mesure à cet effet n’a été annoncée, forçant des centaines de femmes journalistes à rester chez elles dans un avenir incertain.

Après l’arrivée des talibans, 100 journalistes féminines sont encore en poste surveillées sur 700. C’est cela la taqîya islamiste fonctionnant avec la crédulité ou… la complicité de l’Occident. Le 24 août, le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, déclare : « Une ligne rouge fondamentale sera le traitement des femmes et des filles par les talibans, ainsi que le respect de leurs droits à la liberté, à la liberté de mouvement, à l’éducation, à l’expression de soi et à l’emploi, guidés par les normes internationales en matière de droits de la personne.»  L’Afghanistan s’est classé 122e sur 180 dans le classement mondial de la liberté de la presse 2021 publié par RSF. Allah est de plus en plus grand !

La force des femmes ukrainiennes 

Dans cette guerre : elles donnent un exemple de la femme résistante, soldat et mère de famille. Olena Zelenska, première dame d’Ukraine, a refusé l’asile politique américain: « Aujourd’hui je ne vais pas paniquer et pleurer. Je serai calme et confiante. Mes enfants me regardent. Je serai à côté d’eux. Et à côté de mon mari. Et avec vous. Je vous aime! J’aime l’Ukraine! »

 Irena Karpa est écrivaine. Son arrière-grand-père, un kulak défenseur de la cause et de l’enseignement ukrainien a été déporté en Sibérie.  « J’ai toujours été anti soviétique. Je me souviens du putsch, en 1991, j’avais dix ans et je n’avais qu’une peur : que l’Ukraine ne parvienne pas à prendre son indépendance. Mais elle l’a prise, au prix de deux révolutions, et, maintenant, nous le payons. » 

Depuis le 24 février, animée par la peur et la rage, elle lance : 

«Pour les Ukrainiens, aujourd’hui, c’est la liberté contre la dictature. Toutes celles et ceux qui menaient une vie tranquille défendent maintenant une valeur qu’ils placent au-dessus de leur propre sécurité. Les gens sont prêts à donner leur vie. A commencer par les femmes. C’est très impressionnant. Si beaucoup de femmes sont parties se réfugier à l’Ouest pour mettre leurs enfants à l’abri, beaucoup d’autres sont restées. Notre vie est ici, nous travaillons ici, nous ne bougeons pas. D’autres restent avec leurs parents très âgés ou parce qu’elles ne veulent pas laisser leur homme mobilisé. Elles pleurent, elles ont peur, mais je n’en connais aucune qui reste sans rien faire.» 

La guerre est aussi une affaire de femmes. Celles qui le peuvent se sont engagées dans la résistance armée non militaire, la «défense territoriale civile », répondant à l’appel de la présidence ukrainienne au premier jour de la guerre. Un engagement que résume Ludmilla, députée indépendante au Parlement ukrainien, au micro sur France Inter : «Poutine est la seule personne au monde qui peut me faire prendre les armes, car je suis une personne très pacifique et j’ai deux jeunes enfants.»

Monica Hesse, la journaliste du Washington Post, salue « la force des femmes ukrainiennes. Personne ne souhaite l’égalité des sexes dans la guerre parce que personne ne souhaite la guerre ». 

Une enseignante de Dnipro fabriquant des cocktails Molotov, une parlementaire s’entraînant au maniement des armes à feu, un groupe de femmes s’apprêtant à défendre Kiev dans une vidéo du New York Times : les images de femmes prêtes à combattre abondent dans ce conflit. Et aussi celles de dirigeantes déterminées, galvanisant les volontaires, comme Natalia Balasynovich, la «maire courage» de Vassylkiv, proche de Kiev. 

D’autres tiennent à exprimer ouvertement leur soutien à la résistance, à commencer par l’ancienne Première ministre d’Ukraine Ioulia Timochenko, qui s’affiche sur Instagram une arme à la main. A Kyiv et à Kharkiv, les Soeurs Carmélites ont fait savoir sur les réseaux sociaux qu’elles ne quitteraient pas leurs couvents et viendraient en aide au peuple ukrainien. 

Quel courage quand on songe aux «Kadyrovtsy» tchétchènes engagés par Poutine ! Emotion devant la vidéo devenue virale de cette vieille femme ukrainienne pleine de gouaille qui ose cette phrase coup de poing à un soldat russe : « Que faites vous dans mon pays avec votre arme ? Personne ne vous a invité. Vous êtes un occupant, un fasciste. Prenez ces graines et mettez-les dans votre poche. Comme ça, des tournesols pousseront quand vous serez tous morts ! ». Les graines de tournesol sont le symbole de l’Ukraine ! 

Enorme démonstration populaire à Kherson, la cité prise par la Russie cette semaine. Des vagues de protestation ukrainienne avec drapeau national  chant « Putin khuylo » : Poutine est un connard ! En mai 2014, les médias ont rapporté que le blasphème russe khuilo avait été ajouté au dictionnaire urbain comme synonyme de Vladimir Poutine.

Kiev, Marioupol, Kharkiv : c’est un enfer. C’est Alep, Mossoul, Palmyre. Les Russes se préparent à bombarder le port ukrainien d’Odessa: ce sera un crime militaire. Ce sera un crime historique. Le fait que des enfants aient été tués dans d’autres conflits ne donne pas le droit à Poutine de tuer des enfants ukrainiens ou de justifier ce qui se passe en les massacrant dans leurs écoles ou hôpitaux. Si l’Occident pense que ce n’est pas la troisième guerre mondiale, il se trompe. Elle a commencé. 

Aujourd’hui, je comprends mieux Coluche quand il disait : «L’homme qui a eu le moins de chance dans sa vie, c’est Youri Gagarine. Parti d’URSS il a fait dix sept fois le tour de la terre et est retombé en URSS…». Il y a retrouvé le fantôme de Staline : Vladimir Poutine.

Faisons la différence entre le peuple russe et ses dirigeants. Pourquoi ne pas croire au miracle de la culture quand, à l’opéra aussi, la résistance s’affiche, comme le dimanche 27 février 2022 au théâtre San Carlo de Naples. A la fin d’une représentation d’Aïda, de Verdi, après avoir salué le public sous les ovations, la soprano ukrainienne Ludmila Monastirska et la mezzo soprano russe Ekaterina Gubanova se sont enlacées, exprimant les liens étroits qui unissent la majorité des Russes et des Ukrainiens.

Gérard Cardonne

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