Il est curieux et alarmant de constater que la seule préoccupation de l’actuelle municipalité de Strasbourg concernant l’avenir de la manifestation de Noël, est la rentabilité et l’écologie.
Face à la défiance des Strasbourgeois lassés par l’invasion des touristes buveurs de vin chaud et producteurs de déchets, rebutés par une ville devenue inaccessible qui les rejette hors de leur espace vital, le Covid n’a pas apporté cette année le peu d’aménité attendue. Pas un seul Strasbourgeois authentique n’a pu se satisfaire de ce conglomérat mercantile où disparaît, voire est interdit l’esprit chrétien.
Noël, où est passé ton esprit de fraternité chrétienne quand ta symbolique est exclue méthodiquement ? Où sont les signes judéo-chrétiens de ton identité mal ou non reconnue aujourd’hui ? Le marché de Noël 2021 a fait fi de la tradition chrétienne et culturelle, combattue au nom de l’écologie ou de la laïcité « woke » prompte à tout déconstruire.
D’évidence, certains détestent Noël trop connoté chrétien ! À Bordeaux, un sapin de 11 mètres de haut, en acier et verre recyclés dont les différents niveaux s’emboîtent « comme un meuble Ikea», a été installé à la place du traditionnel sapin sur la place de la Mairie ; l’élu de la ville, écologiste, ayant décrété qu’il n’était plus possible de prendre un «arbre mort » pour fêter Noël. Raccourci ô combien symbolique d’une civilisation à la dérive…
Nous nous enfonçons tous les jours de plus en plus, dans une matière inépuisable qui se nomme la connerie. Mais où la malfaisance et la nuisance des délirants n’ont plus aucune limite. Élu avec un score ridicule, ce petit marquis de l’écologie hystérique et punitive n’en rate pas une pour pourrir la vie de ses concitoyens. Le sapin de Noël, les décorations, nous les faisons d’abord pour le regard émerveillé des enfants. Les gosses d’écologistes sont-ils gris et ternes comme leurs parents ?
L’absence remarquée de la crèche
C’est la commune de Neuf-Brisach, située dans le Haut- Rhin, qui a accueilli le plus grand conifère de 2021. A Strasbourg, le sapin, habituellement le plus grand sapin de Noël du Grand-Est, trônait sur la place Kléber, dominant le village de carton gris-brun avec son église sans croix qui symbolisait un village alsacien que Seebach ne reconnaît pas. Avec l’absence remarquée de la crèche traditionnelle des foyers alsaciens. Mais nous sommes à Strasbourg, englué dans une laïcité obsessionnelle.
La crèche coutumière alsacienne a retrouvé son existence et son « refuge » dans la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg pendant toute la durée de l’Avent et jusqu’à la Chandeleur. Illuminant ce temps liturgique central, elle vit dans la tradition des crèches en Alsace, installée dans un lieu sacré et intimiste afin de reprendre vie et nous faire revivre cette naissance, symbole de joie et d’espérance.
Il paraît que le ridicule ne tue pas ? Il tue bêtement une identité, une civilisation. J’ai honte en pensant à ce que devient Strasbourg dénaturé, proche du volapük si éloigné des Alsaciens. Les idées dévoilées sur le réaménagement intérieur de la cité de grande île n’ont pas manqué de cristalliser les tensions chez les défenseurs d’un Noël alsacien mais aussi chez les Strasbourgeois qui craignent que leur ville ne devienne un musée à touristes et à vélo.
Une marchandisation
On ne retrouve plus l’âme noëlique alsacienne mais une sorte de marchandisation verte et mercantile. Cette annulation programmée de nos racines, autre façon plus latine d’évoquer la cancel culture, nie la réalité et l’histoire de l’Alsace. Conséquence dramatique, c’est la destruction de la personne humaine car insensé serait celui qui prétendrait se passer de la force de renouvellement de la vie : la religion de Dieu fait homme ! Heureux s’il est fait mention de Noël plutôt que de l’expression insipide « fêtes de fin d’année » !
Pour répondre à la question posée au début de cet article, « Noël ou marché ? », la réponse un peu trop hâtive serait celle débile de la Commission européenne qui, sous prétexte d’inclusion, proposait de bannir l’expression de la fête de Noël, au nom du respect des différentes religions. Certes, le projet a été prudemment ajourné sous les protestations de certains députés comme François Bellamy.
En dépit des vagues « woke » tendant à déchristianiser Noël au profit d’un marché pour bobos à roulettes, la figure de Dieu est incontournable puisque devenu reconnaissable, sauf pour les nouveaux Alsaciens qui ne peuvent ou ne veulent s’y reconnaître. Pas le Black Friday qui avilit l’homme en le ramenant à une simple marchandise. Tandis que la cloche qui sonne à minuit assume en notes la transcendance divine de l’humble et du déshérité : ceux qui ne vivent pas dans le Carré d’or mais cherchent un abri sous les arcades de l’ombre strasbourgeoise.
Une religion insérée dans l’Histoire
Quand, à l’écart du clinquant et du bruit de foire de ce marché déshumanisé, je vois des malheureux recroquevillés dans des sacs de couchage ou cette vieille femme partageant son maigre pain avec son chien, je dois avouer que le marché de Noël de Strasbourg me fait honte. L’absolu devient visible. Le transcendant se révèle dans le sacré. La cathédrale chasse les marchands du temple pour redonner ses lettres de noblesse à l’humain. Noël, c’est le mystère de l’Incarnation célébré par tous les chrétiens.
Non, la civilisation chrétienne n’a pas dit son dernier mot… et c’est notre cathédrale qui en témoigne le mieux. Elle a résisté aux vicissitudes des siècles et sa démesure rend témoignage de la foi de ses bâtisseurs, de leur rigueur et de leur savoir. Qu’elles soient romanes, gothiques, néo-gothiques ou même contemporaines, elles éblouissent ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas. Le christianisme est une religion insérée dans l’Histoire. Avec maître Eckhardt, Goethe nous le rappelle : le sacré est ce qui unit les âmes.
Gérard Cardonne