Afghanistan: après l’émoi vient le temps des interrogations

Membre de Feminist Majority, je suis allé en 1999 au Tadjikistan pour défendre les droits des femmes afghanes. C’est à Douchanbé que j’ai vu l’horreur de la religiosité imbécile des talibans : une jeune Afghane nous parla de sa vie de femme oppressée par la charia criminelle. A la fin de son exposé, elle sortit ses mains dissimulées sous un voile : les doigts avaient été coupés parce qu’elle portait du rouge aux ongles. 

A partir de cette vision, jamais je ne croirai à une promesse talibane donnée à des kafirs. Aujourd’hui, tous les médias paraissent d’aimables barbus avec leur outrecuidance quand ils exposent leur vision « pacifiée » des droits des femmes qui seront respectés s’ils correspondent…à la charia ! C’est ce que le Coran appelle la takiya, le mensonge par omission que les pacifistes de tous bords gobent parce que cela les arrange. Le dilemme est simple : ou nous sommes des imbéciles ou nous sommes complices. J’en suis désormais certain !

Après des tractations, je suis parti dans un hélicoptère du commandant Massoud pour le rejoindre dans son Panshir, la seule zone libre en Afghanistan. A cet instant, je me suis rendu compte que ce genre d’opportunités n’arrive pas deux fois dans une vie :faire le choix de la saisir ou de la laisser passer. Et si je la saisissais, elle pouvait m’ emmener là où je n’ aurais jamais imaginé. J’étais conscient que cet engagement personnel changerait ma vie. Ce fut le cas, car, désormais, c’est une autre vie, une vraie vie.

Survoler l’Amou Daria, essuyer le feu des talibans dans l’Hindou Kouch fait monter l’adrénaline que connaissent tous ceux qui ont combattu. Plonger dans la belle vallée du Panshir fut un véritable rêve épique. Moment inoubliable à Bozorak.

Comment ne pas évoquer cette rencontre avec le Lion du Panshir après une nuit de combat à Dalan Sang. L’homme était serein, clair et visionnaire quand, après lui avoir proposé mon engagement à ses côtés, il me déclara : j’ai besoin que l’on parle de nous aux démocraties. Je lui promis un livre, des écoles et mon prochain retour dans sa vallée. J’ai tenu parole sur toute la ligne.

La suite fut tragique puisque la préface qu’il me remit pour mon roman « La nuit afghane » lors de son passage à Strasbourg fut suivie de l’attentat du 11 septembre et de son assassinat.

Avec mon association « Le Cercle du Rhin International », deux écoles pour garçons et filles furent construites l’une à Bozorak dans le Panshir à vue du tombeau de Massoud, la seconde à Kholan Kash dans la vallée de Bâmyan à vue des Bouddhas explosés. Les fonds provenaient de mes conférences sur l’Afghanistan, des dons des Alsaciens, des rotarys de Strasbourg et du président Adrien Zeller. C’est à Bâmyan que j’ai saisi le paradoxe français : les gens étaient plus émus par les destructions des Bouddhas de Bâmyan que par les tchadri imposés aux Afghanes. Il y a une distorsion qui me gêne et m’humilie. Rien n’a changé.

Une salle d’art « Alsace » fut inaugurée à Kaboul avec les tableaux offerts par 33 peintres français et étrangers. L’élan était magnifique parce que nous avions cru. Grave erreur !

Aujourd’hui, les barbus au nouveau langage policé qui plaît aux adeptes des tablettes électroniques réinstallent un régime islamique digne des films d’horreur : lapidation et mariage forcé des adolescentes !

Je pense aux yeux émerveillés de ces gamines lors de l’inauguration de leurs écoles : un rêve éveillé qu’une religion préfabriquée vient éteindre.

J’affirme qu’il faut refuser tout compromis d’inclusivité proposé par ces criminels barbus car c’est la condamnation à l’esclavage de la population afghane. Les femmes sont « Taliban War Trophy ». Il est peu probable que nos féministes de #MeToo se révoltent contre l’esclavage sexuel promis aux Afghanes dès l’âge de 8 ans. L’islamo-gauchisme triomphe en France à l’instar du tweet d’Idriss Sihamedi, fondateur de l’association dissoute BarakaCity, qui a souhaité bonne chance aux talibans.

Il ne faut pas croire aux avis péremptoires sur l’Afghanistan. Au-delà du peuple, il y a plus de 17 ethnies différentes et souvent rivales. La Charia n’est qu’un habillage pour les confondre : la Loya Jirga, assemblée des barbes blanches régionales, est le véritable parlement afghan. Un Tadjik est différent d’un Ouzbek, d’un Turkmène ou d’un Nouristani. Quant au Hazara, sa religion chiite le désigne à la vindicte du taliban sunnite. Les gamines hazaras deviennent du bétail sexuel pour ces dépravés religieux que sont les Pachto.

Malgré une conquête éclair, les combattants islamistes font toujours face à des poches de résistance militaire, mais aussi politique et citoyenne : le drapeau afghan flotte dans les rues face à la lèpre talibane. Dans le Panshir, la région de Bâmyan, les grandes villes, les Afghanes se lèvent pour défendre leurs droits durement acquis. Elles pleurent en voyant les talibans, nouveaux maîtres de la rue dont elles sont exclues, qui veulent les emmurées vivantes derrière ces voiles ignobles qui déshumanisent et que trop de gens chez nous tolèrent. 

Les démocraties pusillanimes regardent sans oser s’engager : une attitude devenue habituelle.

Les chacals sont de retour. Reconsidérons cette situation indigne pour l ‘humanité au plan géopolitique. C’est un domaine difficile tant il dépend d’intentions secrètes et de double-jeux. On peut même imaginer que les stratèges, qui peuplent les cabinets sans avoir jamais risqué leur peau sur le terrain, ont des arrière-pensées.

Surtout ne riez pas : lors d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité, le Secrétaire général de l’ONU appelle les talibans à la retenue. Un instant, monsieur le bourreau !

L’Afghanistan est en passe d’enregistrer en 2021 le plus grand nombre de victimes civiles en une seule année depuis le début des recensements enregistrés par la Mission des Nations Unies dans le pays : 5.183 victimes civiles au cours des six premiers mois de l’année, soit une augmentation de 47% par rapport à la même période en 2020.

Les talibans défendent une application stricte de la charia, la loi islamique, allant jusqu’à bafouer les droits humains. Ils avaient été chassés en 2001, après avoir refusé de livrer aux Américains Oussama Ben Laden, leader d’Al-Qaïda, responsable de l’attentat du 11 septembre. Une coalition internationale, menée par les États-Unis, avait alors réussi à prendre le contrôle de l’Afghanistan, lors d’une offensive éclair. Deux décennies plus tard, les Américains retirent leurs troupes sous le regard ironique de Pékin, de Moscou, du Pakistan ou de la Turquie. Ces pays « démocratiques » dialoguent avec les talibans au pouvoir : on est entre-soi ! Le bal des faux-culs démarre : quels mots emploiera Xi Ping pour convaincre Erdogan que les camps d’extermination des Ouïghours ne sont que des camps de formation professionnelle. C’est la langue de Confucius contre celle d’Allah pour compulser le dictionnaires des synonymes.

Pour la Chine, la seule chose pire que d’avoir l’armée américaine à sa frontière est de ne pas l’avoir du tout. Ses dirigeants ne peuvent pas se permettre l’instabilité à leur frontière occidentale, dont ils craignent qu’elle n’alimente le terrorisme et l’extrémisme islamique dans leur pays. Ils doivent également protéger leurs investissements au Pakistan voisin, site le plus important de l’initiative de la Route de la soie. Ne se risquant pas à une intervention militaire dans le cimetière des empires, ils offriront des incitations économiques à celui qui émergera au sommet à Kaboul. Pour Pékin, la non-intervention en Afghanistan n’est pas une option.

Le Pakistan ne dissimule plus son désir de réunifier les pachto de part et d’autre de la ligne Durand pour se donner de la profondeur stratégique face à l’Inde.

Machiavel rappelait qu’« on fait la guerre quand on veut, on la termine quand on peut ». Pour n’avoir pas réussi à faire la décision sur le plan militaire et avoir échoué sur le plan politique, la guerre d’Afghanistan s’achève par un retrait en forme de défaite de la démocratie contre l’islamisme. 

Contrairement à l’Irak et la Syrie, ce sont les islamistes afghans qui l’emportent contre la première puissance du monde et la coalition la plus forte jamais réunie ! Si l’on voulait donner un second souffle au terrorisme islamiste, il n’y avait pas de meilleur moyen ! Une fois de plus, l’Occident, bien que ce nom convienne plus à mon sens à la civilisation matérialiste qu’il désigne, l’Occident perd la face. Son erreur fatale fut de penser que la terre entière adhère à nos valeurs et que les esprits fermés sont ouverts.

Il faut abattre cette théocratie mafieuse aux ramifications planétaires en se rappelant que l’Afghanistan est entré dans la conscience du monde avec l’invasion soviétique de décembre 1979, puis au lendemain des explosions du 11 septembre 2001, quand les Américains décidèrent d’y pourchasser les réseaux terroristes de l’islamisme international. José-Maria de Heredia l’avait annoncé : Al Qaida vient de retrouver son nid pour le prochain vol de gerfauts hors du charnier natal !

Un immense doute dans la puissance des démocraties.  Il ne faut pas être sourd aux rumeurs dans le monde musulman et en Europe, donc en France, dont celle de l’islamo-gauchisme. La guerre n’est plus à notre porte. Ouvrez les yeux : elle est présente dans nos villes avec un communautarisme grandissant et un séparatisme arrogant. Voilà que commence le bal des idiots utiles et des tartuffes. Strasbourg batifolant avec Millî Görüs, la créature islamiste d’Erdogan. Que sommes-nous devenus ? 

Sommes-nous capables de tirer une leçon de notre échec cuisant en Afghanistan ? Ce que nous voyons, c’est une victoire historique du djihad islamique, la conquête d’un peuple par l’islam radical. L’histoire retiendra cette photo d’Associated Press : un hélicoptère américain de transport de troupes Chinook qui survole le toit bardé d’antennes de l’ambassade américaine. Saïgon, 30 avril 1975 ; Kaboul, 15 août 2021. L’analogie est frappante. Un pouvoir qui s’effondre, une armée qui se débande, des étrangers évacués en catastrophe, des habitants qui n’ont d’autre choix que de rester. Les talibans sont entrés dans Kaboul. Ce sont 84% des drogues opiacées qu’ils déversent dans le monde pour nous affaiblir. 

Vingt ans après avoir célébré la victoire contre les talibans, je ne sais si j’aurai un jour l’occasion de retourner de mon vivant à Saricha pour me recueillir et prier sur la tombe de celui qui a marqué mon engagement pour l’Afghanistan : le commandant Massoud. Peut-être en y rencontrant son fils Ahmat Mahamat Massoud qui a repris le flambeau de son père. 

L’Afghanistan, le royaume de l’insolence de Michaël Barry, est d’abord une nostalgie. Après ce bilan, …vous connaissez toute l’Histoire…

Gérard Cardonne            

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