Dix ans se sont écoulés depuis qu’on a tenté d’assassiner l’esprit de Charlie Hebdo. Dix ans que les crayons tremblent, que les mots s’adoucissent et que les vérités s’édulcorent. Ce n’est pas seulement la rédaction de Charlie qui a été mitraillée ce 7 janvier 2015, mais bien le courage de tout un pays secoué par les attentats tragiques de Charlie Hebdo, perçus comme une attaque frontale contre les fondements mêmes de la République. Après ce drame les français sidérés, émus et en colère se réunissaient dans une manifestation sans précédent en communion sacrée, symbolisée par le slogan « Je suis Charlie » signe de recueillement et d’indignation.
La France ne s’en est toujours pas remise.
Que reste-t-il de cet élan républicain face à la barbarie ? Que reste-t-il des crayons brandis, symboles de la plume plus forte que l’épée ? Que reste-t-il d’une humanité qui refusait de se taire face à l’injustice ? De la ferveur des chants et des discours, de la volonté commune de préserver les acquis démocratiques ? De la liberté et de la dignité humaine ? Que reste-t-il de l’espoir de résistance face à l’extrémisme ?
10 ans après, les gouvernements sont passés de l’indignation au renoncement. Après les attentats la République s’était promis d’être intraitable. Mais elle n’a laissé que la peur quotidienne, l’hypocrisie, la lâcheté d’élites sous-calibrées et la lâcheté collective qui ont miné les valeurs républicaines.
Dix ans plus tard, les promesses se sont envolées, le gouvernement brasse de l’air. On vote des lois anti séparatisme, mais les imams radicaux continuent leurs prêches dans les mosquées. On multiplie les annonces, mais Samuel Paty est décapité en pleine rue. On ferme une mosquée salafiste, mais on laisse les réseaux sociaux servir de récréation aux propagandistes. Dix ans plus tard, la République préfère se mordre la langue que de brandir la laïcité perçue comme un gros mot. Dix ans plus tard, il ne reste qu’une classe politique, des “intellectuels”, une justice et des médias, qui, au lieu de maintenir l’unité et la détermination ont cédé à des compromis dangereux et ont creusé la division du pays.
L’islamisme radical responsable des tueries de Charlie a fait un parcours glorieux. Loin d’être combattu avec la fermeté nécessaire, il a été légitimé par des discours ambigus et des politiques hésitantes, Macron étant le président le plus performant en la matière.
La liberté d’expression pilier de la République est devenue fragile, elle est attaquée par les extrémistes, étouffée par le politiquement correct et censurée par l’œil de Moscou représenté par l’ARCOM. Quant à la presse, autrefois gardienne de la démocratie, elle a totalement abandonné son rôle de résistance. Elle a troqué la liberté d’expression contre un mélange de lâcheté et de cynisme et contre un consensus complaisant face à l’islamisme radical. Lorsque Charlie a republié les caricatures lors du procès des attentats en 2020, certains éditorialistes l’ont accusé de “jouer avec le feu.” d’en faire “trop”, trop provocateur, trop irrévérencieux, trop… libre, dénoncent encore les mêmes qui prônent la liberté d’expression aujourd’hui, mais à condition qu’elle ne dérange personne.
La Grande Justice Française, cet autre pilier de la République qui semble si robuste sur le papier et si fragile dans les faits est de connivence avec les gouvernements qu’elle représente. Dix ans après Charlie, où en est sa lutte contre l’islamisme radical ? Les procès s’éternisent, les condamnations sont ridicules, les zones de non-droit s’étendent comme un cancer et la justice n’est plus que l’image d’une balance en ruine et d’une Marianne aux yeux bandés, maltraitée.
Dix ans après Charlie, la flamme de la résistance vacille sans que personne ne tente de la raviver par un retour sans appel aux principes fondamentaux de la République. La guerre contre l’islamisme radical est loin d’être gagnée. Elle commence par la reconnaissance du danger et par un engagement sans compromis envers les valeurs républicaines. Dans ce paysage en ruines, Charlie Hebdo est plus qu’un journal : c’est un miroir qui reflète le courage de ceux qui osent encore s’indigner et la lâcheté de ceux qui préfèrent se taire.
Depuis Charlie, les français ont fait tant de kilomètres pour défendre des causes justes, pour protester avec dignité, pour que les combats menés par le passé ne restent pas vains, pour que les lumières brillent encore. Après dix ans d’un deuil national où nous étions unis, solidaires et malheureux, tous Charlie, tous contre la barbarie, tous décidés à combattre pour nos valeurs et notre devise sacrée, Liberté Égalité Fraternité, Laïcité, rien n’a changé. Au contraire : les gouvernements successifs, les médias, les « penseurs, » la justice, ont privilégié une politique pro-islamiste pour acheter une paix avec des barbares. On ne négocie pas avec des barbares qui disent clairement qu’ils veulent instaurer des califats en France et en Europe au nom d’Allah. On ne leur fait pas la cour, on ne se soumet pas comme cela est le cas. On envoie la troupe.
En fin de compte, ce n’est pas Charlie Hebdo qui est en danger. C’est la France. 10 ans ! Et il n’y a rien de nouveau sous le soleil, dirait mon pote l’Ecclésiaste…
Silvia Oussadon Chamszadeh