Chapitre XLVII
La rampe de cuivre
La rampe en cuivre de l’escalier serpentait en épousant délicatement l’angle tournant de l’escalier. Le cuivre à la fois léger et robuste, se tordait délicatement en une spirale allongée avec des motifs discrets gravés sur sa surface cylindrique. La rampe invitait à l’ascension de l’escalier éclairé par un immense mur de verre de briques translucides, qui partait du rez-de chaussée au plafond de l’étage. Les différents jeux d’ombres et de reflets faisaient de la rampe la pièce maîtresse de la maison.
A chaque visite, les trois enfants sachant à peine marcher, attirés par la lumière de ce cylindre d’or, se hissaient péniblement pour tenter de grimper sur la rampe qui deviendra plus tard le toboggan de la maison.
Il était moderne et intemporel, cet escalier, chaque détail était pensé pour sublimer l’environnement. Les marches étaient en marbre sombre poli, la lumière tamisée mais chaleureuse descendait du plafond en baignant l’escalier d’une atmosphère feutrée qui accentuait une sensation de mouvement, presque comme si on montait vers un lieu secret.
En arrivant en haut de l’escalier à droite, il y avait dans l’espace ouvert toujours eclairé par la lumière du mur de verre, un bureau en bois sombre, une lampe de style industriel, des étagères en métal noir bien ordonnées, et, dans la niche ovale, le fameux éléphant blanc que Bethold affectionnait particulièrement et qu’Ali, l’homme de ménage, réplique parfaite de Jacob, le domestique de Renato et Albin, dans la trilogie des films « La Cage aux folles », avait fini par casser en provoquant la douleur profonde de toute la famille pour qui l’éléphant blanc était comme un animal vivant avec lequel les enfants parlaient, confiaient des secrets, se consolaient ou le nourrisaient en douce malgré l’interdiction de Rose qui retrouvait dans la niche une pomme ou une banane prises d’assaut par les fourmis.
Face à l’escalier, la chambre boudoir de Rose. Elle avait réalisé de ses mains un chef d’œuvre, un délicieux plongeon dans le passé. C’était son domaine, c’est elle qui avait recouvert les murs de papier peint à motifs floraux dans des tons doux de rose poudré et de gris perle, elle qui avait choisi le lit à baldaquin en fer forgé noir qui rappelait les portes de la maison, elle qui avait cousu les rideaux et le couvre-lit de velours pourpre dont les franges tombaient en cascades soyeuses sur le tapis, elle qui avait fait les coussins de velours, ronds, froncés, moelleux et imposants, elle avait choisi le mélange chatoyant de verts et de pourpres, le mobilier raffiné, le miroir vénitien ovale.
Le miroir de cette chambre boudoir n’était pas un simple objet décoratif, mais une véritable œuvre d’art sorti de la miroiterie du cousin Marc Lévy.
Son cadre en verre finement ciselé, s’accompagnait de pièces de verre aux motifs floraux et géométriques vissés sur les bords ornés de délicates feuilles d’argent, chaque détail, chaque incrustation était le fruit d’un travail méticuleux. Ce miroir était un héritage précieux, une pièce rare, porteuse d’histoire qui témoignait d’un savoir-faire ancestral que seul l’atelier de Marc produisait au Maroc.
Dans un coin de la chambre boudoir, le bar était une véritable extension du miroir vénitien, une pièce en verre tout en finesse, aux lignes courbes et élégantes. Le meuble, tout en transparence et légèreté, se fondait parfaitement avec le reste de la décoration des années 30-40.
C’est dans ce boudoir plein de charme, qui invitait à la détente, que Rose recevait les épouses des relations commerciales de Berthold, ou les institutrices, des enfants comme Madame Hirigoyen, Madame Surgot ou Mademoiselle Betzalel, toutes séduites par cette autodidacte dont la beauté, la vivacité et le caractère ne laissaient pas indifférent.
Monsieur Surville aimait Rose, il avait toujours pour elle un regard attendrissant, son regard ne se détachait jamais de Rose quand ils se rencontraient. C’est peut -être, sans doute, pour cela qu’il avait accéléré la réalisation de la villa que Berthold le cinéphile incorrigible avait appelée Villa Gaby-Sylvia, du nom de la célèbre comédienne Gaby-Sylvia.
Slil